Mon Top 30 des films de 2019

Mon Top 30 des films de 2019

Fin d'une année, fin d'une décennie. Retour en images, en textes, en sensations et en émotions sur la cuvée cinéma 2019. D'Hamaguchi à Eggers, en passant par Gray et Llinas. Lire plus

Les Misérables

Les Misérables

Vrai-faux La Haine 2019, ce film de son époque est aussi un essai éminement philosophique sur un sujet sociétal majeur : le pouvoir d'une image et ses conséquences. Lire plus

The Irishman

The Irishman

Des gangsters, De Niro, Pesci, Pacino, une durée gargantuesque et un budget encore plus énorme : The Irishman avait des airs de film ultime pour Scorsese - où est-il justement un peu plus que ça ? Lire plus

The Lighthouse

The Lighthouse

Tour de force technique avant tout, The Lighthouse avait sû générer de forces attentes : le buzz passé, le résultat vaut-il un peu plus que le tour de passe-passe égocentrique ? Lire Plus

Top 100


TOP 100 réalisé en juin 2015. Une nouvelle version, quasiment toute renouvelée, devrait voir le jour en 2020Les goûts, ça évolue, et finalement je m'étais rendu compte que mon précédent Top 100, déjà vieux de deux ans !, était désormais obsolète. Ce que je ne dis pas, c'est qu'il l'est depuis le lendemain du jour où je l'avais mis en ligne, mais ça, vous vous en doutez. Du coup, après un long travail acharné étalé de façon très arbitraire sur une année, voici la nouvelle version de mon Top 100, que j'espère le plus exhaustif possible. 100 films, c'est dur à sélectionner, puis à classer (parfois assez aléatoirement et en fonction de mon humeur du moment), mais le plus difficile, je vais être honnête, c'était de rédiger un satané commentaire à chaque fois en essayant de me répéter le moins possible. Je connais désormais mes superlatifs par cœur, et les plus mesquins s'amuseront à faire une recherche dans la page pour voir combien de fois je répète incroyable. Mais ces films, ils le méritent. Il y en a de tous les pays, beaucoup d'américains, beaucoup de japonais aussi, quelques français et autres européens, et malheureusement, je le crains, aucun film africain ni hispanophone. Mais nous avons tous nos lacunes. Beaucoup de films récents, aussi, les années 80 et 2000 me paraissant surreprésentés en comparaison des décennies antérieures aux années 50 que j'avoue ne pas connaître encore assez pour en avoir retenu beaucoup d'expériences inoubliables.
Trêve de plaisanteries, et rappelons-le : ceci n'est pas le top 100 des meilleurs films de l'histoire du cinéma (mode ridicule, soit dit en passant), mais une liste un peu désordonnée de 100 films que j'adore. Ça déborde de subjectivité et non, il n'y a pas de Ozu, il n'y a pas de Buñuel ni de Wenders, mais que voulez-vous ? si j'avais déjà tout vu, j'aurais arrêté ce blog depuis longtemps.


100 - Casablanca (Michael Curtiz, 1942)

C'est probablement la plus puissante Marseillaise jamais chantée qui résonne au cœur de Casablanca. C'est d'ailleurs ce qui constitue d'une certaine façon sa puissance émotionnelle : son contexte et sa production. Film d'expatriés européens fuyant la Wehrmacht, il y a évidemment l'ombre allemande menaçante de l'époque qui plane sur le film de Michael Curtiz, qui n'en possède pas moins une qualité d'écriture, certes théâtrale, mais grandiose. Mais ce sont aussi et surtout les deux figures qui trônent au centre de l'affiche qui font de Casablanca le classique indispensable qu'il est aujourd'hui : Humphrey Bogart et Ingrid Bergman, dont l'alchimie et le charisme n'ont pas pris une seule ride en soixante-dix ans. Un film immortel.

99 - Brazil (Terry Gilliam, 1985)

Finalement, Brazil est en quelque sorte le 1984 de 1985. Gilliam puise ses inspirations un peu partout, mais sa plus grande influence semble finalement être sa propre imagination. Brazil est un cauchemar onirique mais il est aussi l'enfer du réel. Satire sociale et sociétale qui s'amuse autant du monde bureaucratique que de la folie de la politique, Brazil est un film de son temps. Car bien au-delà de ses expérimentations absurdes et de ses nombreuses loufoqueries se cache un constat amer, tristement réaliste et finalement très dépressif sur un système qui se mord la queue. Si Gilliam a toujours été un cinéaste très conscient du monde qui l'entoure, son engagement n'aurait pourtant pas la même portée s'il n'usait pas de cette sincérité artistique qui lui est propre : humour noir, charme désuet et mouvements de caméras pas très académiques. Au final, c'est ça Brazil : le culte étouffant de la précision par le prisme du brouillon magnifique.


Un gosse dans l'encadrure d'une porte, une lumière aveuglante venant de l'extérieur. Un plan aussi simple et pourtant devenu si iconique, pour ce qui est sans doute l'une des expérimentations fantastique les plus sobres de Steven Spielberg. Sorti dans l'ombre de Star Wars, Rencontres du troisième type c'est un peu l'ancêtre de X-Files, dans son esthétique, dans sa manière de privilégier le mystère à la terreur, et surtout au travers de leurs personnages principaux respectifs. Spielberg dessine lentement une mythologie fascinante, empreint d'une poésie aventureuse dont lui seul semble être capable. Et tout ceci pour aboutir à l'une des scènes de fins les inoubliables du cinéma américain.

97 - Guerre et Paix (Sergueï Bondartchouk, 1966)

Guerre et Paix est un film de tout les excès. Déjà qu'adapter Tolstoï est la preuve d'un égocentrisme bien épicé, Bondartchouk a fait de cette traduction en images l'une des productions cinématographique les plus démesurées de tous les temps. Budget pharaonique, plus de cent mille figurants, et surtout une durée vertigineuse de près de sept heures. On fait difficilement plus monumental. Et Guerre et Paix est à la hauteur de son statut, une fresque gigantesque dont ne voit ni la fin, ni le début, un film dont on ressort assommé, empreint de l'impression d'avoir assisté au genre d'oeuvre qui pourrait être exposée dans un musée. Aussi impersonnel qu'il est impressionnant, Guerre et Paix c'est le point de rupture entre le cinéma et la littérature. Parce qu'arriver à retranscrire de façon aussi frontale la densité tolstoïenne, ce n'est pas chose aisée. Sauf peut-être quand l'Armée Rouge te prête cinquante mille soldats pour tes plans d'ensemble.

96 - Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, 1999)

1999, le dernier Kubrick. Deux époques qui s'achèvent. Eyes Wide Shut, comme tous ses précédents films, divisa beaucoup, et il divise encore. Il faut dire que le cinéaste était encore, à soixante-dix ans, très en avance sur son temps. Et cette analyse grinçante des relations humaines par le prisme du couple est en soit la réponse orchestrale à American Beauty. Eyes Wide Shut n'est pas seulement le film le plus intime de Kubrick, il est aussi son plus simple. Mais chez Kubrick, simplicité ne signifie pas facilité, et Eyes Wide Shut est le point d'orgue majestueux du fabuleux concert qu'est la filmographie de son auteur. Comme si, après toute cette expérience accumulée, Kubrick avait délaissé son amour de l'excès pour embrasser la tendresse désenchantée qui peut lier deux de ses personnages. Aussi inattendu qu'enthousiasmant.

95 - Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban (Alfonso Cuaron, 2004)

Peut-être y a t-il une part de naïveté et d'innocence à considérer Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban comme un grand film. Dans tous les cas il s'agit d'une idée définitivement subjective. Il doit parfois être difficile pour quelqu'un qui fut adulte à la sortie de L'école des sorciers de comprendre toute ce remue-ménage autour de ce balafré à lunettes : qu'est-ce qu'ils ont de si particulier ces bouquins au final ? La question étant encore plus marqué pour leur adaptation cinématographique. Pourtant, entre un Columbus très candide et un Newell trop bourrin se cache le très talentueux Alfonso Cuaron avec probablement ce qui reste encore aujourd'hui comme la meilleure adaptation de roman young adult de la décennie échue. Le Prisonnier d'Azkaban n'est pas seulement un tour de force d'écriture - transformer le livre le plus faible de la saga littéraire en un film admirable - mais il est surtout une démonstration technique dont devraient s'inspirer beaucoup de blockbusters plus récents du même genre : une direction artistique à tomber par terre, une mise en scène d'une fluidité salvatrice et surtout des séquences (le vol de Buck, le match de Quidditch, le retourneur de temps...) qui se sont désormais définitivement inscrites dans l'inconscient des potterheads (et plus globalement des gosses des 2000s). N'en déplaise à certains.

94 - Les Contes de la Lune Vague après la pluie (Kenji Mizoguchi, 1953)

Malgré la poésie de son titre, Les Contes de la lune vague après la pluie est un film sur la fin du rêve. Mizoguchi renoue avec son univers visuel, cette construction brumeuse du cadre, et pourtant si précise tant ses lignes de fuite conservent une logique d'une incroyable constance. Un portrait, celui d'un quatuor, avec en fond d'image un bien triste propos qui, s'il n'est pas toujours très subtile, n'envahit jamais l'écran. Les Contes de la lune vague est un film qui s'admire, dans ce dosage risqué mais mesuré de fantastique et de social. Et finalement, lorsque le rêve s'efface au profit d'un malheureux destin, Mizoguchi s'exprime plus terriblement. Et parvient, à sa façon, à nous toucher profondément. Si le cinéma était une science, il en serait l'un des chimistes les plus compétents.

93 - Metropolis (Fritz Lang, 1927)

Difficile de juger Metropolis, puisqu'on ne verra sans doute jamais le film de Fritz Lang dans sa version originale. Pourtant, en oubliant un instant le travail d'archéologie nécessaire pour un jour découvrir cette arlésienne dans sa version intégrale, demeure une certaine forme d'émerveillement. Fritz Lang est un visionnaire, on l'a dit et on l'a répété. Metropolis, ce blockbuster d'avant les blockbusters, ce gigantesque condensé d'une imagerie en carton n'en est pas moins la synthèse esthétique des aboutissements du muet. C'est magnifique, magique et fondamentalement impressionnant. Pas besoin de contextualiser Metropolis pour en apprécier la beauté unique, pour admirer le passage de l'image animée au rang de véritable tableau du mouvement.

92 - L'Armée des 12 singes (Terry Gilliam, 1995)

Au sein de la filmographie loufoque de Terry Gilliam, L'Armée des douze singes est sans doute l'un de ses films les plus clairs. En remakant La Jetée, Gilliam réinvente non seulement une oeuvre majeure des années 60 mais lui donne aussi une portée dramaturgique beaucoup plus prenante, notamment grâce aux excellents acteurs principaux (avec un Brad Pitt et un Bruce Willis dans des contre-emplois complets) qui constituent cette ambiance si particulière, entre anticipation dystopique et plaisanterie noire qui tourne au drame. Brillamment réalisé dans le style si caractéristique de Gilliam, inventif et passionnant.

91 - Kagemusha (Akira Kurosawa, 1980)

Kagemusha est un Kurosawa difficile, dans le sens où le maître nippon se trouve ici une forme quasiment métaphysique. Kagemusha est un film vaste, visuellement splendide tant il prend parfois des allures de tableau impressionniste. Kurosawa en couleurs, c'est toujours magnifique, mais Kagemusha est sans doute le plus magnifique, celui où le réalisateur semble se trouver une voix dans sa manière d'utiliser cette palette de lumière. Shakespearien, contemplatif, et véritable synthèse visuelle, parfois exigeant mais un modèle pictural.


En adaptant Truman Capote, Richard Brooks réinvente la bête humaine, inscris la bestialité et l'horreur pure dans le quotidien. Pourtant, la préoccupation principale de De Sang Froid est la peine de mort. Au travers de cette mise en scène sombre, clinique, Brooks parle de l'Amérique et de sa morale, de sa transformation et de sa régression, de ses problèmes et de ses impasses. Un film choc, littéraire et puissant, à la lisibilité extrême et au fond très ambivalent. Monstrueux et follement engagé.


Ghibli et Miyazaki dans ce qu'ils peuvent avoir de plus poétique. Le Château dans le ciel se déguste gosse, la capacité d'émerveillement candide encore intacte. Plus qu'une simple aventure initiatique, Miyazaki peint une fable écologique aux inspirations légendaires (Paul Grimault, rien que ça !). Sans jamais tomber dans la mièvrerie ou la niaiserie, Le Château dans le ciel est une mélodie épique et intimiste, un modèle d'animation dont la force évocatrice n'a d'égal que sa capacité incroyable à faire rêver le plus blasé des spectateurs. L'un de ces films qu'il faut impérativement avoir vu avant quatorze ans. Magique.


Désormais plus de dix ans après sa sortie très remarquée en salles, la trilogie Le Seigneur des Anneaux semble être définitivement entrée dans l'histoire du cinéma. Toujours difficile de dire quel est le meilleur volet - et même si le troisième est étrangement considéré quasi-universellement comme le plus réussi (alors qu'il est probablement celui qui enchaîne les plus grossières erreurs d'écriture) - mais en tant qu'introduction à un univers si complexe et si riche, La Communauté de l'Anneau ressemble bel et bien à l'apothéose du cinéaste néo-zélandais dans la Terre du Milieu. L'art incomparable d'écrire une mythologie du mouvement, de développer un grand nombre de personnages aussi complets en seulement trois heures, de poser des enjeux, d'en développer et d'en renouveler. Modèle de limpidité diégétique, composé par des acteurs géniaux et par une bande-originale inoubliable, le tout dans des décors si exotiques et pourtant si criants de réalisme. La Communauté de l'Anneau c'est le premier épisode parfait, époustouflant, biblique, métaphysique, et une plongée passionnante dans un univers dépaysant qui laisse rêveur. L'imaginaire d'un auteur n'aura jamais été aussi bien dessiné sur grand écran.


Peter Brook dira sur son adaptation du roman culte de William Golding : « Tout ce que je voulais, c'était une petite somme d'argent. Pas de scénario, juste des enfants, une caméra, et une plage. » En apparence relativement anecdotiques, ces quelques paroles du metteur en scène résument toute l'ampleur de son film. Dans ses longs plans fixes, dans son atmosphère terriblement noire, dans la sobriété usée par Brook, Sa Majesté des Mouches est un concert cinématographique d'un pessimisme brutal. La qualité irréprochable du casting enfantin, la plume rude de Golding et sa mise en images lavée de toute considération spectaculaire en font un petit chef d'oeuvre du genre, dont la veine romanesque n'a d'égale que la tragédie grecque qui lui sert de référence. L'un des plus durs constats sur la nature de l'homme jamais réalisé.


Adrian Lyne est un tâcheron. Pourtant, au milieu de séries B à peine regardables se cache L'Échelle de Jacob, une anomalie filmique à l'ambiance située quelque part entre le poisseux et l'onirisme. Une oeuvre difficilement descriptible, dont l'étiquette horrifique est aussi incertaine que celle de film fantastique. Drame métaphysique sur les lésions de la guerre, parcours mystérieux au symbolisme troublant, décoré par cette forme inquiétante, et pourtant si parnassienne. Une référence tardive dont la réputation bien trop modeste mériterait d'être portée au niveau supérieur pour être enfin reconnue comme un modèle du genre.


Fer de lance de la Nouvelle Vague taïwanaise avec Hou Hsiao-Hsien, Edward Yang est surtout connu pour l'acclamé Yi Yi. Ce serait malheureusement oublier A Brighter Summer Day, fresque sociale monumentale de quatre heures qui retrace le destin d'une génération perdue, en pleine crise identitaire. Edward Yang, avec ce film, livre un témoignage fort et difficile - l'ennui pointe parfois son nez, mais l'admiration pour ce monstre du cinéma asiatique injustement tombé dans l'oubli n'en est que plus marquante. Yang parle avec ses images, avec ses personnages - il ne fait pas dans l'excès, se joue de la notion du temps au travers de cette durée dantesque, et en trompant les clichés ne fait que redoubler de sincérité. Exigeant, certes, mais important.


Considéré comme l'un des classiques d'Ealing Studios, Noblesse Oblige c'est surtout et avant tout un comédien : Alec Guinness qui interprète pas moins de huit personnages, tous des caricatures, mais avec un panel de talent assez impressionnant. Comédie noire purement british, avec son humour bien borderline, ses situations macabres, et ce d'autant plus est à l'époque où le Code Hays était en vigueur aux Etats-Unis. En plus d'être excessivement drôle, Noblesse Oblige est aussi une oeuvre bien en avance sur son temps, le tout exercé avec un esprit propre sur lui enthousiasmant.


Melancholia se vit en salles, le son au maximum, la force existentialiste de cet objet improbable écrasant complètement le spectateur. Lars Von Trier propose son film le plus vaste, le plus dense, le plus étouffant qui, entre ses abstractions évocatrices hypnotisantes et son déluge émotionnel final au pouvoir inégalé, s'avère être aussi un film d'une ambition formelle incroyable. Von Trier délivre une pièce maîtresse du cinéma contemporain, à la conclusion bouleversante et à l'ambiance étouffante. Il invente le pré-apocalyptique, et en fait une poésie macabre rugueuse et prétentieuse, mais dont la puissance réside dans sa volonté d'aller plus loin, toujours plus loin. Un choc.


En dressant le portrait d'un Japon d'après-guerre alternatif en reprenant dans les grandes lignes l'intrigue du Petit Chaperon Rouge, Hiroyuki extrapole non seulement les failles actuelles de la société nippone, mais écrit dans le même temps une oeuvre passionnante et exigeante sur le fascisme, sur la dictature militaire. Jin-Roh est un film complexe, d'une froideur incroyable, peut-être parfois difficilement inaccessible mais dont l'intelligence est de conserver une distance théorique avec son spectateur. Animation splendide, scénario allégorique qui ne prend pas son public par la main, réflexion politique puissante pour ce qui est probablement l'un des films de japanime hors-Ghibli les plus réussis.


Le Lauréat est un film pré-68, témoignage d'un génération en pleine émancipation : Nichols brise des tabous mais ne les justifie pas par la provocation. Il filme la transition d'une époque de ses valeurs traditionnelles vers une forme de libération intellectuelle totale. Mais le message de Le Lauréat prend tout son sens dans ses dernières minutes, avec cet ultime regard de désenchantement, conclusion douce-amère où l'avenir n'aura jamais été aussi incertain. Au travers d'un drame pessimiste sur l'inconscience et la sexualité outrageuse, Nichols met en scène les contradictions d'un mouvement et d'une époque. Bien plus terrible que la bande-originale de Simon & Garfunkel ne voudrait nous le faire croire.


On ne présente plus Les Dents de la Mer, modèle du film de genre où le Grand Méchant Loup n'apparaît presque jamais. Parce que c'est un peu ça le film de Spielberg : un conte horrifique perdu au milieu de l'infinité de l'océan, un huis-clos à ciel ouvert où Spielberg condense tout son talent pour allier suspense haletant et émerveillement cinématographique. Il créé une légende, le méchant de cinéma ultime, sans pitié, sans but, sans émotions, sans faiblesse. Les Dents de la Mer est une leçon de cinéma d'horreur - implicite, cynique et excitante - qui n'abuse pas d'effets voyeurs ou omniscients. Difficile de se baigner au bord de la mer à nouveau après un tel choc où l'homme se retrouve confronté à la puissance écrasante d'une nature meurtrière. Un indispensable qui fait encore office de référence absolue du genre.


Véritable révolution technique qui a complètement changé le visage du cinéma d'animation (pas forcément en bien), premier tour de force des Studios Pixar qui livrent une merveille d'humour qui aligne références culturelles sur fond de passage de bâton du héros de l'Ouest au héros de l'Espace dans les années 70, à la fois hilarant, touchant et intelligent. Toy Story c'est l'animation occidentale ans ce qu'elle peut faire de plus créatif, de plus malin et de plus énergique. Le film de Lasseter a vu grandir toute une génération sous le joug de la profonde universalité temporelle de son inventivité de chaque instant. Et puis c'est quand même assez rare que les suites d'un film soit au moins aussi bonnes que le premier volet, Toy Story 3 étant plus ou moins le film pour enfants définitif sur le passage à l'âge adulte.


Still Life est un film sur la violence. Pas nécessairement physique (comme pouvait l'être A Touch of Sin), mais sur la violence sociale, la pression économique d'un pays en pleine mutation qui se métamorphose en chaos humain complet, où la beauté sidérante des paysages semble ternie par l'odeur pesante de la détresse, du déterminisme, de l'irréversibilité. Still Life est un choc. Un choc lent, subtil, qui contemple ses personnages silencieux, perdus au milieu de ce monde qui use et abuse d'eux sans qu'ils en aient vraiment conscience. Ou en tout cas ne puissent y réagir. Jia Zhang Ke parle de la Chine, de sa Chine, et ce avec une main de maître où la fascinante immobilité des corps se retrouve sublimée par une caméra qui en capte la plus pure identité. Un film important et nécessaire.


Seul film en langue étrangère d'Akira Kurosawa, Dersou Ouzala est un fantastique roman cinématographique sur la nature. Adaptation des mémoires d'un capitaine russe en mission dans la taïga, il est probablement l'un des plus impressionnants films en couleur du maître japonais. Ponctué par certaines scènes mémorables (celle du champ d'herbes), c'est l'histoire gigantesque de l'homme face au monde sauvage, sa propre animalité. Dersou Ouzala, le personnage cette fois, en devient presque un symbole. Un homme primitif et pourtant si singulier, le dernier des siens, l'ultime rempart entre la survie et la mort pour son compagnon qui l'observe. Un ami et un gardien, un chasseur et un tigre de Sibérie, un croyant et un païen, résistant au vent au milieu de l'immensité de son monde à lui.


Le cinéma d'Oliver Stone est schizophrène, entre tours de force narratifs et purges lourdingues, insupportables et prétentieuses. JFK rentre dans la première catégorie. Anti-biopic par excellence, biographie qui début par sa fatalité, procédural paranoïaque où la justice semble impuissante, mais surtout brillant et passionnant pamphlet sur la soif de la vérité, sa recherche incessante et justifiée. Stone, sans tomber dans le conspirationnisme régressif, créé une ambiance terrifiante, où le vrai et le faux se croisent et s'entrecroisent. JFK est une fresque gigantesque, révoltante mais évitant constamment l’agression intellectuel, le tout porté par un Kevin Costner occupant probablement l'un des meilleurs rôles de sa carrière. L'un des piliers du thriller politique et du film d'investigation, JFK c'est la version épique de Les Hommes du Président.


Clouzot réalise un film en avance sur son temps. De l'action brute, sans explosion, sans courses-poursuites, seulement des pauvres types qui conduisent un camion bourré d'explosifs pour se faire un peu de blé. Un principe d'une grande simplicité et qui aboutit pourtant à un suspense de haute voltige. Le film s'obscurcit, les plans sont inondés par la texture salissante de l'or noir, Le salaire de la peur sombre dans une noirceur complète, sans espoir. Et même si l'on oublierait volontiers la très mauvaise dernière scène, on tient là un grand film indémodable, intense et tragique, porté par des acteurs de génie et une mise en scène de maître absolu du genre.


Tarkovski est un peintre de la lumière. Il a toujours semblé être fasciné par la symbolique, par l'art de l'allégorie et du figuratif. Andreï Roublev en est peut-être le point d'orgue, dans cette orchestration exigeante de tableaux de sang et de boue, où la violence, la religion et l'art semblent se jouer sur le même terrain. Plus hermétique que jamais, à la fois d'une esthétique incroyable et d'une formulation repoussante. Un monument de mise en scène, aux envolées mystiques d'un lyrisme obscur presque inédit aujourd'hui. Jamais un film n'aura aussi bien parler de religion, dans le sens noble du terme. Inégalable.


Andrew Dominik, en un film, a ressuscité le western. L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford est un tour de force dans la pure veine crépusculaire, additionnée à une douce mélancolie contemplative presque inédite. Un film qui sait se poser, qui sait observer : un affrontement, un regard, un braquage, un simple mot - Dominik, avec une subtilité incroyable, déconstruit le mythe américain, démystifie les figures imposantes de Jesse James et de Robert Ford pour en faire des hommes. Des hommes rongés par leur passé et le regard que chacun porte sur l'autre. C'est bouleversant, d'une intelligence rare car évitant tous les pièges possibles, et c'est surtout d'une beauté absolue - cet Ouest décadent où l'admiration se mue en haine, où le courage se confond avec la lâcheté. Rien n'est blanc, rien n'est noir chez Dominik - l'humain, lui, est au centre de l'affiche.


Park Chan-wook est un cinéaste grossier mais il est au fond très malin. Old Boy est subversif, démonstratif et très souligné dans ses effets, mais ce qui fait son charme unique. Un thriller d'une noirceur oppressante, cumulant les twists imparable au grès d'un modèle de fluidité narrative. La folie totale de certaines séquences (la scène du marteau, évidemment) vient frapper le spectateur en plein cœur. Parce que Park sait filmer la vengeance. Il en absorbe l'origine la plus profonde et son cinéma est un cri de rage violent, émouvant et brûlant, un modèle de construction formelle que Fincher n'aurait pas renié, le tout reposant sur un scénario passionnant et une brochette d'acteurs tous plus géniaux et ambiguës les uns que les autres.


En 1994, Eric Rochant est un cinéaste prometteur et ambitieux – tout juste sorti du succès de Un monde sans pitié, film culte érigé en porte-étendard de toute une génération. Il décide alors de passer à un tout autre genre de production, et pas des moindres. Un film fou, pour être précis. Un thriller d’espionnage politique de trois heures sans aucune star bankable et un budget gigantesque pour l’époque. Ce sera un flop critique et commercial. C’est donc un peu ça le destin de Les Patriotes, celui d’un film maudit dont personne ne voulait, pour lequel le public n’était sans doute pas prêt. On n’est pourtant pas très loin du chef d’œuvre – et c’est rageant, parce qu’il est évident que si Les Patriotes avait marché, le cinéma français n’aurait surement pas le même visage aujourd'hui. Poignant, maîtrisé, surprenant, brillant – on manque de qualificatifs pour désigner le film de Rochant. On met de côté l’émotion, on met de côté l’action – on ne garde que la paranoïa d’un pays prêt à tout pour continuer à survivre en sécurité, le traitement d’un espionnage d’un réalisme et d’une crédibilité rarement vu dans un film (et encore moins français). Les Patriotes c’est comme si on croisait le traitement paranoïaque d’un Conversation Secrète, le talent d’un John Le Carré et la portée philosophique et sociale d’un The Wire. Sur le papier, ça parait exagéré, mais il faut le voir pour le croire. Indispensable.


Film tabou, en tout cas en France, film provocateur, en tout cas pour son époque. Les Sentiers de la Gloire c'est le Full Metal Jacket de la première guerre mondiale. Il y a de l'injustice dans ce Kubrick engagé, intelligent et d'une noirceur rare, il y a aussi les premiers véritables coups de maître d'un génie, au travers de cette façon unique de filmer les tranchées. Le discours de Kubrick s'argumente autour de ses convictions pacifiques très marquées. A ce titre, Les Sentiers de la Gloire est une référence. Sans concessions, courageux, terrible. Un chef d'oeuvre du genre.


Les adaptations de Stephen King au cinéma, c'est tout ou rien. Stand By Me est d'ailleurs l'une des préférées de l'auteurs, chose assez étonnante puisque le film de Rob Reiner n'a pas grand chose à voir avec l'ambiance d'autres œuvres du Maître de l'horreur moderne, même si la cohérence thématique est toujours bien présente en filigrane. Sorte de Les Goonies sans l'humour lourdingue, Stand By Me c'est un modèle de récit initiatique, empreint d'une nostalgie bouleversante, d'une simplicité scénographique qui le transforme en véritable poésie sur l'enfance, l'amitié et le passage à l'âge adulte. Le genre de film que l'on découvre à dix ans et qui reste gravé au plus profond de soi pour toujours. Le premier visionnage permet la découverte, le deuxième la mélancolie.


Alfred Hitchcock refuse le code Hays et transcende le cinéma américain en un seul film. D'une ambiguïté alors révolutionnaire, construit d'une manière novatrice, mais surtout affreusement dérangeant tant Psychose tend à créer la crainte dans l'inconnu. Essai cinématographique sur la santé mentale dont l'influence n'a d'égal que la maestria de sa mise en scène - de la réalisation au montage, on pense à la fameuse scène de la douce, mais aussi au travers de sa photographie obscure. Un classique parmi les classiques et indéniablement l'un des films les plus intenses du Maître du suspense.


Hirokazu Kore-eda est souvent comparé à Truffaut. C'est loin d'être un hasard et même si Nobody Knows est loin d'être le film le plus évident pour forcer la comparaison, il est amusant de mettre en parallèle deux cinéastes pourtant si espacés par le temps et la géographie. Kore-eda est un cinéaste d'une tendresse incroyable, fasciné par la place occupée par la famille - c'est d'ailleurs une thématique évidente pour un réalisateur nippon, dans ce pays où le groupe est plus ou moins le centre de la société. Nobody Knows voit la rencontre de cette intelligence de l'introspection avec une cruauté émotionnelle d'une sobriété dévastatrice. On se situe entre le drame familial non lointain de Our Mother's House et la fresque sociale qui semble dépeindre la lente rupture des traditions morales. Au milieu de ces idées noires, l'un des castings d'enfants les plus réussis de l'histoire du cinéma. Rien que ça. Le film ultime sur le désenchantement.


A la sortie de Conan le Barbare, John Milius fut qualifié de psychopathe. Ce n'est guère étonnant, on imagine bien les quelques curieux de l'époque non préparés au spectacle proposé, ressortant de la salle choqués par tant de charisme putride, malsain et schwarzeneggerien. Conan le Barbare c'est le Jardin d'Eden du fan de fantasy : de l'effacement des tabous moraux à l'épique grandiloquence d'un récit bourré de générosité visuelle. Conan le Barbare c'est aussi la bande-originale du grand Basil Poledouris absolument mythique et sans laquelle le film n'aurait pas le même effet. A voir avec des yeux de gosse innocent, pour être traumatisé à vie par la force romanesque quasi-métaphysique de Milius et l'atmosphère rugueuse et cradingue à la limite du blasphème. Un bon gros plaisir geek anti-consensuel au possible.


Le Trésor de la Sierra Madre est un film à tiroirs, où l'on peut vraiment voir ce que l'on a envie de voir. D'un côté il y a le film d'aventure à la frontière du western, de l'autre il y a le constat anthropologique pas vraiment optimiste sur la condition humaine. John Huston signe une oeuvre cynique qui s'amuse de ses personnages, archétypes en puissance interprétés par des acteurs possédés (Humphrey Bogart dans l'un de ses meilleurs rôles), et de leurs enjeux. Farce caustique sur la cupidité, parfois plus inquiétante qu'elle n'est amusante à la vue des dilemmes moraux étouffants auxquels sont confrontés les protagonistes. La question que pose finalement Huston est adressée au spectateur, juge et témoin de cette affaire dont la face empathique est volontairement trompeuse.


Lawrence d'Arabie est un film de tous les fantasmes. Fresque grandiose à la production complexe et difficile, film pivot de David Lean dont il s'agit probablement de l'oeuvre historique la plus aboutie, son imagerie s'est en soi intégrée dans l'inconscient collectif, de la bande-originale de Maurice Jarre aux plans désertiques inoubliables. Dans Lawrence d'Arabie pourtant, les dunes ne sont pas seulement un vulgaire tas de sable, mais une brique éphémère qui compose le cadre émerveillé de Lean, dont le travail sur le décor n'aura jamais semblé aussi imposant. Car plus qu'un objet de controverse, c'est bel et bien ici une pure démonstration visant à filmer l'envergure que propose le réalisateur. Un monument, tout simplement.


Il était une fois en Amérique fait sans doute partie de ces films que l'on pourrait qualifier de "complets". L'un des derniers piliers du cinéma américain pré-Heaven's Gate (alors sur le déclin), le dernier maillon de l'oeuvre gigantesque de Sergio Leone, l'apothéose d'une ambition et d'une technique aujourd'hui désuète : celle de l'infini. Il était une fois en Amérique est un gros morceau de près de quatre heures, un objet démesuré que l'on peine à décrire tant il semble être la définition même du cinéma. Un chef d'oeuvre s'il en est, indéniablement l'un des meilleurs films jamais réalisé et un modèle à montrer à tout apprenti cinéaste. La perfection ?


Chacun a son Miyazaki préféré, avec trois noms qui reviennent plus souvent que d'autres (Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké et Mon Voisin Totoro), probablement en raison de l'empreinte universelle que chacun des films du maître dispose. Princesse Mononoké est peut-être l'un de ses films les plus matures, les plus violents, mais il n'en est pas pour autant désenchanté. Une oeuvre merveilleuse, où la beauté impressionnante de l'animation s'ajoute à un magnifique hommage à la force de la nature. Dit comme ça, c'est peut-être niais, mais Princesse Mononoké est un film magnifique dont seule son expérience pourra permettre d'en comprendre la puissance toute particulière. On voudrait que ça ne s'arrête jamais. Un incontournable du cinéma nippon.


Existe t-il film plus sous-estimé que La Guerre des Mondes de Steven Spielberg ? Dans tous les cas, s'il ne l'est pas, il n'en est pas loin. Drame familial anti-patriotique et anti-héroïque sur fond de catastrophe mondiale, monument de suggestion, de terreur et de divertissement, le film de Spielberg alterne poésie macabre et tension insoutenable. La maestria de la mise en scène claustrophobe et désespérée, la puissance d'un scénario plus intelligent qu'il n'y paraît, puisant sans relâche dans l'imagerie de la seconde guerre mondiale pour reproduire le sentiment d'une Amérique post-11-septembre paranoïaque et choquée. La Guerre des Mondes c'est l'un des meilleurs films de son réalisateur, l'un des meilleurs films des années 2000 et probablement le meilleur film d'invasion extra-terrestre de tous les temps. Le final doux-amer à la résolution bien plus sombre qu'elle n'y paraît finit d'achever une oeuvre de science-fiction majeure qui a encore le temps d'être réhabilitée à sa juste valeur : une leçon de cinéma par Hollywood. Et ça, Dieu sait que c'est rare.


Une comédie presque naïve, loin d'être idiote, inventive à chaque instant avec des idées scéniques incroyables. Buster Keaton réalise un fantasme : être Sherlock Holmes. Sauf qu'il s'en amuse. Sherlock Junior est doté d'un rythme parfait - dû à sa courte durée - et c'est une leçon de mouvement que propose Keaton. Drôle, attachant, simple, le comique muet dans ce qu'il peut faire de plus juste et de plus limpide.


Michael Haneke est un cinéaste qui divise, autant parmi ses adorateurs que parmi ses détracteurs (la schizophrénie de Nanni Moretti à son sujet en est la preuve vivante, conspuant son Funny Games avant de donner la Palme d'or à Amour). Le Ruban Blanc est surement l'un de ses films les plus sobres et pourtant les plus violents. Comme cela semble toujours avoir été une constante dans sa filmographie, la subversion de Le Ruban Blanc est implicite, suggérée, hors-champ. Elle n'envahit jamais l'écran, elle ne fait jamais vaciller la pureté totale du cadre d'Haneke. En filmant sans effets visuels l'horreur de l’extrémisme - ici religieux - Haneke construit le portrait terrifiant de la folie humaine. Un témoignage anthropologique qui fait froid dans le dos. Saisissant.


Ce film de commande transformé en pamphlet anti-nucléaire est en tout cas la preuve que Peter Watkins est l'un des documentaristes les plus précis et les plus courageux de son temps. La Bombe filme le futur - est-ce la réalité ? Est-ce de la manipulation intellectuelle ? Ou juste un scénario plausible ? Le choc que procure La Bombe est en tout cas bel et bien présent. Malgré sa courte durée, malgré son âge, le film de Watkins possède encore un écho retentissant dans l'actualité. Faut-il en déduire pour autant qu'il fut inefficace ? Non, car La Bombe fait réfléchir - certes sur une évidence, mais en empruntant le meilleur des chemins : le pathos. Terrifiant, choquant, d'un réalisme troublant et d'une importance énorme, le film de Watkins devrait être montré dans toutes les salles de classe du monde. La frontière entre fiction et réalité n'aura que très rarement été aussi fine. A voir impérativement.


Réalisateur de l'estimé Quand passent les cigognes, lauréat d'une Palme d'or, Mikhail Kalatozov fait probablement partie des cinéastes soviétiques les plus réputés de son époque. Pourtant, Soy Cuba, l'une de ses pièces maîtresses, fut perdu pendant presque trente ans, avant d'être miraculeusement retrouvé. Film de propagande s'il en est, fresque sur la révolution communiste cubaine, mais surtout un tour de force technique à la limpidité incroyable. Soy Cuba ce sont des scènes d'une maîtrise fabuleuse s'enchaînant à la perfection selon le rythme très subjectif de Kalatozov, qui pose sa caméra au milieu de la foule, suivant un mouvement ou un personnage, et livrant par la même occasion certains des plans-séquences les plus mémorables de l'histoire du cinéma. Un trésor.


Au sein de cette filmographie inégale et diversifiée qu'est celle des frères Coen, Fargo est souvent cité comme en étant la pierre angulaire car elle est le carrefour parfait entre la veine maladive et dépressive de leur cinéma (No Country For Old Men, The Barber) et celle plus loufoque et absurde (The Big Lebowski, O'Brother). Il y a toujours cette fascination désespérée pour la nature et la condition humaine, traitées comme une farce, où cette pléiade de personnages plus idiots et incompétents les uns que les autres créent le plus meurtrier des chaos, évoluant dans une ambiance enneigée unique, où l'espoir et la bonté semblent avoir été congelées pour l'éternité. Les arbres morts, les lacs glacés, la lente et inévitable chute des flocons sont le seul horizon du spectateur, perdu au milieu de ce désert blanc. Le polar cynique dans ce qu'il peut avoir de plus enthousiasmant, cachant derrière lui un constat anthropologique sombre et définitif.


[Commentaire à venir, petit bug]


Délire spatio-temporel à la limite de l'abstraction, de l'anticipation, du fantastique et du teen movie, Donnie Darko est un film singulier, dont l'aura culte possède encore de se superbe quinze ans après sa sortie. Ayant résisté à toutes les analyses possibles, le film de Richard Kelly se démarque de par sa sensibilité particulière aux thématiques existentielles telles que la mort, la maladie mentale ou la fragilité du temps. Mais plus qu'une ambiance lancinante, Donnie Darko c'est la poésie du surréel, de l'hallucination du quotidien. De la bande-originale mélancolique à la tirade absurde de Jake Gyllenhaal, une composition étonnante et l'une des tentatives de science-fiction les plus loufoques de la décennie.


Retour vers le Futur, trente ans après sa sortie, est définitivement rentré dans l'inconscient collectif en devenant un pilier de la pop culture. Ce n'est pas seulement le film préféré de geeks nostalgiques des salles d'arcade, mais véritablement une comédie de science-fiction fédératrice, qui fera autant rire et rêver un garçon de huit ans que son père quatre fois plus âgé. Zemeckis a tout compris : la dynamique nécessaire à un film d'aventure, le dosage entre humour, émotion et suspense, mais aussi comment écrire des personnages originaux, crédibles et attachants. Retour vers le Futur - et c'est valable pour ses deux suites même si le dernier volet est un cran en-dessous - est un film drôle, passionnant, culte, parfaitement rétro, dont le revisionnage est à chaque fois une redécouverte pendant laquelle on répète comme un gosse chacune des répliques apprises inconsciemment par cœur. Rien dans le genre n'arrive à la cheville du film de Zemeckis, une référence instantanée qui ne vieillit pas d'un poil et qui, grâce à son inventivité folle, ne risque pas d'être dépassée de sitôt.


Toujours difficile de déterminer quel est le meilleur Romero tant les trois piliers de sa trilogie des zombies originales regorgent de qualités complètement opposées. Ce qui est fabuleux avec Zombie, aka Dawn of the Dead, c'est que contrairement à son prédécesseur et à son successeur, il semble allier l'aboutissement d'une écriture du film de genre intelligente et généreuse, et la maîtrise d'un cinéaste qui n'aura que rarement été aussi inspiré. Trip horrifique bien eighties, à la fois anarchique et anti-capitaliste, satire sur le système emballée sous l'habit d'un divertissement sanglant excitant, Zombie c'est le chef d'oeuvre de Romero. Son film le plus complet, le plus culte, le plus poussé. Loin de la noirceur du cadre de La Nuit des Morts-Vivants ou des thématiques très sérieuses de Le Jour des Morts-Vivants, Zombie est une farce macabre au rictus à peine camouflé. Jouissif.


La vallée perdue est un film sur la guerre et sur la paix, sur le chaos et sur l'utopie, sur l'enfer sur terre et sur le paradis caché. James Clavell, passionné d'histoire auquel on doit certains des meilleurs exercices du genre des années 70, fait de ces thèmes un formidable film d'aventure qui évoque autant Kurosawa que Leone, et pourtant, son oeuvre est tombée dans un oubli quasi-total. La beauté froide des décors et le charisme ambivalent de ses interprètes principaux font de ce film perdu une perle injustement méconnue, une tragédie historique dont le cadre ne semble être qu'un prétexte pour parler de la futilité de la guerre. Limpide, épique, fataliste et contrasté - La vallée perdue semble être une allégorie de sa propre condition.


Vorace (Ravenous en VO) n'est finalement qu'une vulgaire série B comme il peut en exister des centaines, avec ses problèmes de production et ses réalisateurs remplacés au pied-levé, son casting de seconds rôles et son budget limité. Pourtant il y a quelque chose de plus dans Vorace. Un humour noir dévastateur pour commencer, un cynisme bien glauque, une subversion raffinée, une histoire et une mythologie tout à fait unique, une bande-originale génialissime et une ambiance des plus violentes. Oui, Vorace a de gros défauts, et oui, Antonia Bird n'a pas un talent hors du commun (mais magnifie pourtant certaines scènes d'une tension irréprochable), mais qu'est-ce que ce film peut être jouissif. Dérangeant, drôle, inquiétant, s'intéressant avec un certain détachement à un sujet tabou, déconstruisant le glorieux mythe américain, s'inspirant avec beaucoup de malice de figures légendaires pourtant déjà esseulées - voilà du cinéma de genre dans ce qu'il peut avoir de plus ambitieusement décomplexé et de plus follement inventif.


Il est très souvent (universellement ?) admis que les deux meilleurs films de l'histoire du cinéma - s'il en existent bel et bien - sont, d'un côté, Citizen Kane, et de l'autre, Le Parrain. Orson Welles comme Francis Ford Coppola semblent avoir touché au valhalla cinématographique. L'un par talent, l'autre peut-être en partie par inadvertance. Car Le Parrain est un film à la production compliquée, et ses propres erreurs en sont devenues des effets de style avant-gardistes. En dessinant la lettrine du Nouvelle Hollywood, Coppola en compose finalement le premier acte. Le Parrain est un incontournable, et cela ne fait aucun doute. Car Coppola est un architecte de l'image, un écrivain du mouvement hors-pair dont la technicité n'a d'égal que l'intelligence de sa mise en scène. Tout est parfait, millimétré, chaque acteur est irréprochable et chaque scène est une leçon. Infaillible de bout en bout.


Z est un film qui parle. Costa-Gavras est un cinéaste qui crie. La mise en scène rythmée aux instrumentations de Mikis Theodorakis dynamise la caricature tragique d'une démocratie en danger, d'un pays en proie au diktat militaire. Z date de la fin des années 60 mais il est, encore en 2015, d'une profonde modernité - car en illustrant anonymement une situation géopolitique contemporaine de sa sortie, le film de Costa-Gavras se dote d'une portée complètement universelle, applicable non seulement à n'importe quel pays du monde, mais aussi à n'importe quelle époque. Admirable, passionnant, terrifiant, courageux, pessimiste, et pourtant, une fois le générique final planté, la révolte est la seule alternative possible.


Excalibur est un film quasi-expressionniste. Boorman fait de chacun de ses plans un véritable tableau, une peinture où construction du décor, mariage des couleurs et de la lumière en font un objet d'art complètement hypnotique. Ce que certains reprochent à Excalibur, c'est son goût visuel quelque peu kitsch, alors que ce langage simpliste usé par Boorman est en réalité une sincérité mythologique qui s'argumente dans la saveur épique, grandiose et généreuse de ce conte cinématographique qui ressemble à une pure anomalie dans la matrice. Car le réalisateur britannique est bel et bien le seul à avoir assimilé le genre et ses valeurs : cet amour de la légende, cette fascination pour le mythique, ces personnages aux allures de statues de marbre évoluant dans des décors fantasmagoriques, manichéen, biblique. Excalibur est dans tous les cas l'un des films les plus sous-estimés de tous les temps.


« Some Like It Hot » s'impose encore aujourd'hui comme un classique de la comédie, le chef d'oeuvre absolu d'un cinéaste (Billy Wilder) et le meilleur rôle d'une actrice (Marilyn Monroe). Que ça soit par sa mise en scène inventive, le talent que possède Wilder pour déclencher les rires dans n'importe quelle scène, la complicité du duo principale qui crève l'écran à chaque instant, le charme infatigable de Marilyn... Définitivement une oeuvre marquante qui faisait rire en 1959, et qui rend toujours hilare en 2014. C'est probablement là que l'on reconnaît les grands films : ceux qui traversent le temps, sans prendre une ride, d'autant plus dans des genres aussi complexes et sensibles à l'ère du temps que la comédie. Vous n'avez toujours pas vu « Some Like It Hot » ? « Well, nobody's perfect. » comme dirait l'autre.


Steven Spielberg est le maître absolu de l'entertainment. Qu'il s'agisse de requins tueurs, d'extra-terrestres pacifiques ou belliqueux, ou d'un archéologue charismatique, le cinéaste américain a toujours su magnifier son sujet, lui donner une force épique, une puissance située quelque part entre l'émerveillement et la terreur totale. Jurassic Park est peut-être son chef d'oeuvre, son film emblématique, le passage du rêve au cauchemar dans une aventure où mise en scène virtuose et sens du rythme rigoureux s'allient pour transformer l'imagination d'un gosse en un techno-thriller majestueux, un modèle de cinéma de divertissement de A à Z et clairement l'un des blockbusters américains les plus réussis de tous les temps. Mythique.


Vampyr peut probablement s'apprécier de multiples manières, l'une d'elle est très subjective : sa texture sensorielle. Dreyer est indéniablement un grand, abordant souvent des thèmes autrement plus complexes - dans Ordet - dont Vampyr apparaît comme une touche unique, gothique et lancinante. Un ballet de lumières et d'obscurité, la danse fascinante des corps et de leurs projections : peut-être est-ce finalement ainsi que ce concert macabre et onirique se transforme en fable effrayante qui procure un malaise certain, pas si loin de l'inquiétude. Et c'est pour cela que Vampyr est une expérience : il est avant tout le transitaire d'une atmosphère indescriptible.


Il semble assez évident au visionnage que Cure est un film qui divise et divisera - de par son rythme lent, sa première partie très exigeante et ses nombreuses scènes à la limite de l’incompréhensible. Le plus étonnant dans tout ceci, c'est que ces aspects font de Cure ce qu'il est : une espèce d'OFNI complètement mystérieux et ténébreux qui ne prend jamais le spectateur par la main, ne tombe jamais dans la facilité et s'amuse à alterner les genres avec une aisance déconcertante et probablement déstabilisante - on passe du polar au procédural, de l'épouvante ou thriller psychologique en passant par le drame social. C'est comme si Memories of Murder de Bong Joon-ho s'était vu injecté une ambiance narrative à la Death Note et une mise en scène qui n'est pas sans rappeler Tarkovski, qui semble être (au vu de sa filmographie), l'une des plus grandes influences artistique de K. Kurosawa. Dans la forme, Memories of Murder et Cure certainement très différents, mais leur façon d'allier le thriller et l'engagement social, le tout supporté par des personnages rongés par l'existence d'un côté et d'une noirceur terrifiante de l'autre, est en tout cas très proche. Dépressif à souhait.


Les fils de l'homme est âpre, rude et brutal. Plongée sans concessions dans un futur que l'espoir a abandonné, en résonance de notre actualité mais aussi d'autres références prestigieuses du genre (1984 et autres classiques), Cuaron déroule son projet comme un film de guerre. Cette caméra flottante, ces plans-séquences, certes visibles, mais dont la puissance et l'intensité viennent compléter à merveille la narration complètement désespérée du reste du film. Les fils de l'homme n'est pas seulement une référence instantanée de la science-fiction sur grand écran, il est aussi l'accomplissement de l'un des cinéastes les plus ambitieux et transcendants du moment. Infernal et étouffant, travaillé mais subtil, terrible et magnifique : un coup de maître.


Un désert de glace : le décor effrayant de ce froid éternel est peut-être le plateau le film d'horreur ultime. John Carpenter l'a compris, The Thing, remake lointain d'une série B des années 50, est une oeuvre unique, faite de sous-entendus et de la construction lente et pesante de son propre mystère. Pour faire un film de monstre, Carpenter ne montre presque jamais ce dernier - non pas par manque de moyens, mais pour brouiller plus que jamais l'imaginaire de son spectateur. La peur se créé d'elle-même, ineffable, alors que le monde s'écroule en silence. Le mal semble surgir de n'importe où, et c'est cette ambiguïté totale vis à vis de ses protagonistes qui donne à The Thing l'intelligence d'en garder sous le coude pour rentrer dans la légende. C'est peut-être ça que devraient essayer d'assimiler beaucoup de productions horrifiques : pour effrayer, pas besoin de jump scares et de monstres visqueux. L'expectative, l'incertitude et le travail de l'ambiance ne semble pourtant être réservées qu'aux plus grands. Un modèle du genre.


Rythmé par le son enchanteur de California Deamin', Chungking Expess est peut-être le film le plus simple du grand Wong Kar-Wai. Loin de l'esthétique d'une précision d'orfèvre de The Grandmaster, loin de l'aboutissement thématique de 2046, le film aurait pu se perdre entre des œuvres plus ambitieuses du maître hongkongais. Il n'en est rien. De son petit budget, Wong trouve la pureté, de ses limites techniques, il trouve l'esthétique parfaite. Ces décors colorés, où le contraste entre la nuit et la lumière flashy des néons donne à Chungking Express cette ambiance si particulière. Une expérience déstabilisante, où la narration toute particulière envoûte. On se prend au jeu, on est hypnotisé par cette sincérité rafraîchissante. Parsemé d'imperfections, dynamique en dents de scie... et pourtant les images restent, l'empreinte de Chungking Express s'imprime profondément et se grave dans le marbre pour l'éternité. Cultissime.


Je vais ici briser l'une des règles d'or que je m'applique à user depuis désormais un moment : parler d'un film à la première personne du singulier. Parce que ce n'est pas très beau, déjà, et surtout ce n'est vraiment pas très pro. Du coup je vais parler de Bienvenue à Gattaca comme on parle d'un vieux pote, car pendant longtemps il fut mon "film préféré" par défaut. C'est toujours une notion un peu vague, et en y réfléchissant deux minutes, un peu idiote. Gattaca est un film pour lequel j'ai un attachement certain, il réunit à peu près tout ce que je peux adorer dans la science-fiction et dans la littérature d'anticipation. Il est classique mais pas déjà-vu, sobre mais pas simple, poétique mais pas naïf. Niccol est un brillant scénariste, Gattaca est sans doute sa production la plus sincère et la plus mémorable. Il est aussi un très bon metteur en scène, et malheureusement ce coup d'essai / coup de maître demeurera fatalement inédit au sein de sa carrière très inégale. Car contrairement à ses réalisations suivantes, Niccol avait compris une chose fondamentale avec Gattaca : un concept est secondaire lorsqu'on a de l'éloquence, et la réalité est dispensable quand on sait la symboliser. Gattaca, je t'aime.


Ah, les Monty Python. De Flying Circus à Sacré Graal !, difficile de dire quelle est leur plus grande réussite - chacun semble s'être fait son propre avis sur la question. La Vie de Brian est peut-être en tout cas leur seule fiction cohérente qui, plus que de simplement enchaîner les sketchs délirants, construit un véritable récit et des personnages cultes. Une satire religieuse aussi hilarante qu'elle déborde d'idées, avec son humour typiquement british qui, dans un mélange subtil de finesse d'esprit et de gags plus lourdingues, se classe sans difficultés parmi les films les plus drolatiques de tous les temps. Une référence du genre et un modèle de rythme comique, porté par des interprètes survoltés.


Le Septième Sceau est un film assez inattendu, tant Bergman semble y mêler genres et styles opposés dans un concert de tons en apparence étrange, mais cependant complètement maîtrisé. Alliant le sérieux et la blague, Le Septième Sceau s'intéresse à la mort - s'il fallait résumer ses thématiques en un mot. Philosophiquement très dense - parfois même un peu trop au point de paraître indigeste, Bergman a pourtant ce regard si singulier sur ses personnages et leurs interactions que là où tout ceci aurait pu alors apparaître comme un exposé lourdingue, il est finalement une farce noire métaphorique. Mais Bergman n'en abandonne pas pour autant son habituelle gravité, et Le Septième Sceau, derrière son habit de troubadour se trouve une réflexion métaphysique pesante. Bergman est un grand.


La comédie au service de la satire sociale. Alors non, le film de Kubrick est loin d'être le film le plus drôle de tous les temps, ce qui est pourtant le propre d'une comédie. Non, Docteur Folamour c'est un film qui pousse à la réflexion, mais qui surtout terrifie. Le film sort en 1964, à peu près en même temps que Point Limite de Sidney Lumet - décalé de quelques mois sous la pression de Kubrick - et de La Bombe de Peter Watkins, de l'autre côté de l'Atlantique, en pleine Guerre Froide, alors que la menace nucléaire est à son comble, que la crise des missiles cubains et l'ère stalinienne sont encore tout frais dans l'inconscient collectif. Il faut aussi savoir que la date de sortie originale du Docteur Folamour c'était le 22 novembre 1963... jour de la mort de JFK. L'événement tragique poussera la production à repousser la sortie du film à l'année suivante. Mais cette anecdote ne se limite pas au clin d’œil macabre, non. Car la mort de Kennedy est l'exemple parfait de ce que tourne en ridicule Kubrick : la folie de la politique, de ses acteurs, de l’invraisemblance de la Guerre Froide et même de la guerre en générale. Porté par Peter Sellers, incarnant pas moins de trois rôles dans le film, mais aussi par George C. Scott, c'est aussi un film d'acteurs. Un film d'acteurs incroyables, tournant en dérision l'ensemble de la hiérarchie politique de l'époque (les généraux belliqueux, les chefs des deux blocs ou encore les scientifiques ex-nazis recrutés par les deux camps). Docteur Folamour n'est donc pas seulement une comédie, c'est aussi un film engagé qui, bien plus que faire rire, fait froid dans le dos. Les deux scènes finales, dont notamment celle, devenue mythique, de Peter Sellers s'empêchant difficilement de faire un salut nazi, représentent de la plus belle façon le film : plus qu'un chef d'oeuvre du genre, un coup de maître à la portée sociale incroyable, un délire macabre malin et profondément ancré dans son époque.


Melville est un génie, L'Armée des ombres est sans doute son chef d'oeuvre - la profondeur du récit et de ses personnages, ces scènes sculptant lentement une ambiance étouffante dans ses tons obscurs et désespérés. Entre ces plans complètement iconiques qui usent autant de ces fameuses ombres que de cette clarté tamisée qui pointe son nez au travers d'un rare nuage, difficile de savoir ce qu'il faut le plus admirer - mélancolique, sombre, fatal, pédagogique sans être didactique, dépeignant davantage un sentiment plutôt qu'une succession de faits. Le film ultime sur la Résistance, tentative d'un avant-gardisme troublant de démystifier une époque en traitant davantage des guerres internes plutôt que des bien connues actions de sabotage. Un classique.


Sion Sono n'est pas un cinéaste fait pour tout le monde. Loin de là. Difficile d'affirmer cela, mais si on a plus de trente ans ou si on n'est pas japonais, difficile d'apprécier Love Exposure qui constitue en soit le morceau de bravoure le plus délicieusement taré du cinéaste japonais. Condensé de tous les délires typiquement nippons et de l'humour bien caractéristique du Pays du Soleil-Levant, cette fresque de quatre heures brille d'originalité, d'une inventivité de tous les instants. Navet affligeant et torture irregardable pour les uns, chef d'oeuvre marginal pour d'autres. Sono ne laisse pas indifférent, et si son plus récent Why Don't You Play in Hell ? pourrait concurrencer Love Exposure au titre de pilier de son oeuvre, difficile d'égaler l'impact que ce dernier a pu avoir chez les japonophiles - principalement de la culture otaku dont il s'inspire de façon évidente (on pense à du 20th Century Boys shooté à du Gintama). Avec ses envolées orchestrales - ces scènes magistrales sur du Ludwig van - et ses blagues hentaï, on peut d'ors et déjà parler d'oeuvre générationnelle et communautariste dont la folie créatrice, la veine artistique et le grain épileptique toucheront un public bien spécifique qui se reconnaîtra dès les premières minutes : on ne boudera pas notre plaisir.


Aguirre, c'est avant tout un décor. L'Amazone, reflet claustrophobe à ciel ouvert des thématiques du film de Herzog. Le bateau de ses protagonistes avance, au fur et à mesure que la folie ronge ces visages affamés, blessés, à l'agonie. Mais le fleuve n'est pas le seul horizon de l'oeuvre - car, au centre, trône le fier Klaus Kinski, acteur dont la personnalité dépasse parfois les grillages de la fiction. Aguirre, c'est aussi une fièvre. Une maladie qui ronge lentement sa narration, sombrant progressivement dans une forme d'abstraction thématique, artistique et narrative. Aguirre c'est Apocalypse Now avec Kurtz à bord. Troublant, expérientiel, vulgairement poétique, fondamentalement culte - le film d'Herzog inspire autant qu'il effraie, fascine autant qu'il divise. L'hypnose du macabre.


Immobile dans l'espace et dans le temps, un temple bouddhiste se tient dans des montagnes reculées de Corée du Sud. Trois hommes y habitent : un vieux moine spécialiste du zen, un autre plus jeune qui fait ses débuts dans les ordres, et un orphelin qui découvre tout juste les ressorts de la vie et de la mort. On pourrait se dire que ces trois personnages sont les trois visages d'un même homme, trois moments de vie d'une seule personne - l'enfance, l'initiation et la sagesse. On pense à Kim Ki-duk et son fameux Printemps, été, automne, hiver... et printemps, mais la comparaison est un peu simple et possiblement dévalorisante. Pourquoi Bodhi-Dharma est-il parti vers l'Orient ?, au delà de son titre à rallonge, c'est surtout l'oeuvre d'un seul et même créateur, Bae Yong-kyun. Professeur d'université et peintre, il réalisera seulement deux films sur l'ensemble de sa carrière - lorsqu'on jette un œil à ses méthodes de production, on comprend mieux pourquoi. Il faudra un peu plus de sept ans à Bae Yong-kyun pour terminer son film, assurant à la fois les fonctions de réalisateur, scénariste, producteur, monteur, s'occupant autant de la lumière que des décors, à lui seul il représente l'ensemble de l'équipe technique de son film. Peut-on alors parler d'amateurisme ? Peut-être. Le terme a la fâcheuse tendance d'avoir pris, depuis l'essor d'internet, une connotation négative, et ce serait bien dégradant pour le réalisateur de se voir qualifier d'amateur alors que Pourquoi Bodhi-Dharma est-il parti vers l'Orient ? ne semble mener qu'à une seule et même conclusion : cet homme est un génie, un véritable maître que l'histoire semble avoir oublié. Oeuvre sensitive par excellence, royaume des rêves et de la mélancolie, fable bouddhiste et recueil admirable sur cette philosophie - le spectateur réfractaire pourrait se heurter à un rythme difficile à aborder, mais pour les autres, la poésie des images et l'intemporalité de Pourquoi Bodhi-Dharma est-il parti vers l'Orient ? prendra le dessus. Sublime, magnifique, inoubliable - les superlatifs viennent à manquer pour qualifier ce chef d'oeuvre méconnu, rareté à ajouter sans hésitations au patrimoine déjà redoutable du cinéma du pays du matin calme.


Chaque plan est l'apanage d'un grand. Dans There Will Be Blood, Paul Thomas Anderson se joue du champ, du hors-champ, de l'émotion et du symbole. Si le film est profondément littéraire, il est aussi visuel : l'espace comme l'homme ont une place majeure dans There Will Be Blood, ils occupent le relief de la réalisation à chaque instant. Cette fresque gigantesque qui transforme l'american dream en cauchemar, fatidiquement pessimiste sur la condition humaine et la quête du pouvoir. Oui, le film d'Anderson est désespéré. La lumière y disparaît progressivement pour finalement laisser place au sang, à la violence et au Mal. C'est presque le roman de l’humanité qui s’étale devant nous, spectacle barbare où se rencontrent des hommes monstrueux et des hommes innocents. Un chef d’œuvre moderne, point de chute et film somme de l’œuvre unique de son réalisateur.


Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? C'est la question que pose le titre de l'un des multiples romans du prolifique et regretté Philip K. Dick. Le film sort en 1982, et se ramasse complètement au box-office, et pour cause, une énorme concurrence SF : E.T. l'extra-terrestreThe Thing et Star Trek 2. Même les critiques sont acerbes, à tel point que certains parlent d'une « seconde mort pour Philip K. Dick », décédé trois mois avant la sortie de cette adaptation. Il faut savoir qu'il existe sept versions du film, et que celles proposées en salles sont à oublier, au profit du tardif Director's Cut. Si les fins des versions cinéma restent peu ouvertes, celle des deux cuts suivant posent davantage de questions, toujours en suspens, trente ans après la sortie du film. C'est ça Blade Runner. Un film ultra-novateur à l'ambiance unique et inégalée, qui, trois décennies après, est toujours autant dans l'ère du temps. Non content d'être la meilleure adaptation du Maître PK-Dick, Blade Runner est sans aucun doute l'un des meilleurs films de science-fiction de tous les temps, condensé de tout ce qui a pu être fait de meilleur dans le genre - intelligent, réfléchi et surtout, culte, bien au-delà de sa simple beauté plastique à tomber par terre, à l'image de ce monologue humide final entré dans la légende. Inoubliable.


Martin Scorsese est un cinéaste aux multiples facettes : tantôt maître incontesté du film de mafia, tantôt réalisateur de biopics et de fresques historiques à l'ambition parfois trop grande, et même auteur de dramédies satiriques, rares sont les metteurs en scène qui ont su avec autant de brio se renouveler, changer de registre, et avoir autant de succès en 1976 (Taxi Driver), 1995 (Casino) ou 2013 (Le Loup de Wall Street). Les Affranchis fait office de film central de sa carrière : sorte de retour aux sources avec ses airs de Mean Streets, genèse d'un genre (ascension - descente aux enfers) que le cinéaste réutilisera de nombreuses fois par la suite, il est aussi celui qui fusionnera la plupart de ses thématiques en une fresque mafieuse violente, jouissive, passionnante, souvent tragique mais surtout euphorisante. Dans le genre, on aura rarement fait mieux - brillant et rebelle, spectacle aussi amoral qu'il procure un plaisir incomparable, on oubliera jamais le trio Liotta - De Niro - Pesci, duquel Scorsese tire ce qu'on pouvait en faire de mieux. Vision tranchante et réaliste du milieu mafieux, de cette jungle aussi dangereuse qu'elle peut paraître luxueuse. Culte (« As far back as I can remember, I always wanted to be a gangster. »), bouleversant et surtout irremplaçable.


Le Trou fut, en son temps, un film corrosif dont l’ambiguïté morale fit l'objet de débats houleux. Au-delà de cette interrogation sur le statut de prisonnier - et donc de criminel - se cache l'illustration de l'éternelle quête humaine de la liberté, de la lumière et du mouvement. Becker, dans un exercice d'ultra-réalisme troublant, écrit les lettres de noblesse du cinéma français. Le Trou est tantôt épique, touchant et tragique, sans aucune concession, sans aucun répit. Le cinéaste français façonne les codes du film carcéral, et on peut dire que The Shawshank Redemption lui doit beaucoup, tant dans son écriture que dans sa soif d'envol. Cette atmosphère de huis-clos étouffante, ce formidable travail sur l'espace et ces acteurs magistraux finissent le travail : indispensable.


Passer du brûlot politique qu'était Valse avec Bachir à de la science-fiction expérimentale comme l'est Le Congrès, c'est un changement de cap tout à fait courageux de la part de Ari Folman. Il y a quelque chose dans Le Congrès qu'on ne retrouve que dans les plus grands films, cette identité fascinante où l'animation devient objet de diégèse, où réalité et fiction s'estompent pour au final former une oeuvre entre deux eaux, d'un onirisme envoûtant. Le Congrès est un film sur la réalité, sur le cinéma, sur la famille et sur l'avenir. Il y a tout d'abord cette allégorie magistrale d'une société qui fuit le réel pour se lover dans le rêve et dans le fantasme, il y a cette réflexion objective et désenchantée sur l'avenir de son propre medium, et enfin il y a la quête désespérée d'une mère. Le Congrès ne ressemble à absolument rien d'autre dans l'histoire du cinéma, un chef d'oeuvre complet et complexe, aventure émotionnelle impressionnante de laquelle on ressort changé. A jamais.


Ce qui est absolument fascinant à propos du cinéma de Takeshi Kitano, c'est qu'il peut tout aussi bien faire un film de yakuza, un road movie initiatique ou un teen movie pessimiste, qu'on y retrouvera à chaque fois cette poésie toute particulière, celle qui absorbe lentement les sentiments de son spectateur pour les malmener avec toute la sensibilité et la justesse émotionnelle dont il dispose. Kids Return est un film extrêmement triste, d'une subtilité purement nippone, empreint d'une atmosphère nostalgique à la saveur unique. Ce n'est sans doute pas le Kitano le plus connu, il est même considéré comme anecdotique par beaucoup, mais pourtant la personnalité Kids Return, avec son rapport presque intime au spectateur, lui confère cette aura d'objet de subjectivité complète. Magnifique.


La filmographie d'Alfred Hitchcock est bourrée de perles, d’œuvres moins célèbres que ses grands classiques incontournables - Psychose, Fenêtre sur cour, La Mort aux trousses, Sueurs Froides, entre autres. Des films qu'Hitchcock lui même a renié, comme La Corde, ou Rope en VO, qu'il jugera plus tard prétentieux. La démarche de La Corde est effectivement très ambitieuse, surtout pour l'époque où la pellicule était la norme : un film en un seul plan-séquence. Bien sur, ce dernier est truqué, les caméras de l'époque ne pouvant pas enregistrer plus d'une dizaine de minutes sans que l'on soit obligé de changer de bobine, mais à part quelques coupes peu discrètes, l'effet est là, et La Corde est un fantastique huis-clos pesant, dérangeant, savamment réalisé. Plus qu'un défi technique incroyablement accompli, La Corde est une oeuvre passionnante au message certes lourdingue, mais d'une noirceur étouffante. Un film de maître, du génie dans chaque scène, des interprètes incroyables et une grande réussite de style. Quand l'expérimentation cinématographique se transforme en thriller écrit tourmenté. Unique.


The Social Network est un film sur beaucoup de choses, mais il n'est pas un film sur Facebook. Plus que d'évoquer l’infatigable course au pouvoir, les ambitions de grandeur d'un nerd asocial, Fincher dresse le portrait d'une époque, l'identité d'une génération. Un capitalisme numérique, la gloire à portée de main, la richesse au coin d'un clic. The Social Network c'est l'histoire d'étudiants doués qui vont devenir milliardaires en quelques jours, l'histoire de pauvres types lambda - jadis victimes des salles des classes - qui deviennent les maîtres du monde. L'influence de la possession, du contrôle, sur ces personnes : descente aux enfers émotionnelle mise en parallèle d'une success story à l'américaine, d'un thriller juridique et d'un film de potes qui finit mal, Fincher atteint avec The Social Network l'apogée absolue de sa forme : d'une intelligence démesurée, d'une ambition tout aussi grande, mis en scène par un maître contemporain et interprété par des acteurs qui n'ont jamais et ne seront jamais aussi bons que dans ce film. Ce drame humain glacial et cryptique n'aura pas fini de faire parler de lui : Hitchcock ou Lumet n'auraient pas renié cette composition numérique qui s'inspire fortement de leurs codes. Magistral.


Après l'échec de son projet de mettre en images Napoléon, Kubrick réutilisera le travail titanesque qu'il avait fournit pour se lancer dans Barry Lyndon. Film fleuve s'il en est, tourné intégralement en lumière naturelle - ce qui fera sa notoriété - un monument aussi splendide et grandiose dans la passion qui s'en dégage que dans l'articulation de son épaisseur tragique. Loin de la subversion qui entoure son prédécesseur (Orange Mécanique) et son successeur (Shining), Barry Lyndon se situe peut-être comme le point d'orgue thématique de Kubrick, parfait pont de transition entre Spartacus et Full Metal Jacket, entre Les Sentiers de la Gloire et Docteur Folamour. Un classique indémodable et un indispensable pour tout cinéphile.


Le film de Lumet s'affirme rapidement comme un film de scénariste : des dialogues, un développement des personnalités et des idées des personnages, un sens de la réplique, de l'écriture théâtral... mais pas que. Douze hommes en colère est aussi un film de cinéaste, ce premier film est d'une maîtrise impressionnante : plus qu'une réelle intelligence de réalisation, il transpire du film une réelle nervosité, une sensation d’étouffement, un huit clos prenant au suspense incroyable - Lumet ira jusqu'à augmenter la distance focale de ses objectifs en même temps que le film avance dans l'intrigue - le décor se ressert, les protagonistes se rapprochent, la chaleur est plus forte que jamais. La caméra de Lumet vole dans une pièce pourtant très petite, on suit le mouvement des personnages - tout est fluide, presque planant. Le réalisateur se pose au cœur de l'action, au cœur des cris, des moqueries, des plaidoyers, des pensées, des votes, au cœur de cette fameuse colère mais surtout de cette rage qui ponctue le film. Là où Douze hommes en colère pourrait critiquer la peine de mort d'une voix simple et déjà-vue, Lumet passe outre cette facilité et s'intéresse à autre chose : l'esprit humain, la mauvaise foi, le débat, l'argument, la persuasion, la vérité. Et même encore plus loin : racisme, politique, préjugés, et même sport. Un passage obligé dans la vie de n'importe qui, qu'on soit cinéphile ou non, Douze hommes en colère c'est la quintessence du septième art, parmi ce qu'on a pu faire de mieux dans le genre, de plus impressionnant, de plus intelligent. Contrairement à son sujet, on ne débattra pas du film de Lumet pendant des heures, la conclusion est simple : Parfait. Rien d'autre.


Il y a un avant et un après Rashomon, vu des yeux de l'Occident. Présenté à la Mostra de Venise en 1950, le film de Kurosawa montre à l'époque aux européens que le Japon a lui aussi un cinéma. Et pas des moindres. Rashomon est un film sur la réalité, sur notre perception, sur la multiplicité des points de vue. Non content d'être complètement révolutionnaire dans sa narration, dans sa construction, Rashomon aura une influence gigantesque sur le cinéma : Nouvelle Vague, westerns, polars, tous iront piocher chez Kurosawa qui, plus que d'avoir écrit les lettres de noblesse d'un genre et du cinéma nippon de manière générale, a rendu sa narration et son esthétique éternelles. Rashomon inspire, Rashomon marque, Rashomon trouve une résonance tout ce qui suivra. Si on a tendance à l'oublier face à ses glorieux camarades Les Sept Samouraïs et Ran, Rashomon est un grand classique majestueux, d'une grande sobriété, d'une évidente simplicité, et pourtant d'une complexité  sauvage, bien en avance sur son temps. Le tout porté par un Toshiro Mifune complètement possédé.


Dernier film de la période où Stanley Kubrick réalisait de nouvelles œuvres avec une fréquence relativement régulière, Shining est aussi de ceux du cinéaste qui ont le plus divisé. En tant qu'adaptation, en tant que film d'épouvante, et même en tant que réussite tout court : navet pour certains (il obtiendra d'ailleurs plusieurs nominations aux Razzie Awards), et chef d'oeuvre tardif pour d'autres. Mais il est avant tout un choc cinématographique, une expérience traumatique à l'ambiance inégalée. Kubrick terrifie dans un hôtel lumineux, il créé l'horreur à travers l'étrangeté et la simple diégèse, surlignant ces aspects par une utilisation incomparable des décors. Shining est non seulement un coup de maître de la part d'un réalisateur qui aura définitivement su exceller dans tous les genres, il est aussi une fresque familiale sur la folie, l'animalité et l'horreur du quotidien, à la force évocatrice brutale et aux symboles mémorables. L'un des films les plus terrifiants de tous les temps.


Annaud était peut-être le seul capable de mettre en images le gigantesque roman de Umberto Eco, pavé difficile qui, même s'il récompensait grandement la persévérance de son lecteur, n'était pas non plus un livre à mettre entre toutes les mains. Le Nom de la Rose c'est l'adaptation parfaite, le condensé ni trop exigeant, ni trop différent de l'original, pour respecter finalement la saveur particulière de plume d'Eco en lui insufflant le talent de conteur d'un cinéaste comme Annaud. Merveille visuelle avec cette abbaye isolée enneigé, installation d'une ambiance glauque à souhaits tout en conservant une subtilité tout du long. Rien de moins que le meilleur film de son réalisateur, intelligent et singulier tour de force scénaristique.


Richard Kelly avait profondément marqué les esprits en 2001 avec son film fantastique lynchéen Donnie Darko. Pour son nouveau projet, les attentes étaient grandes. Si ce n'est gigantesques. Pourtant, Southland Tales fut un four. Commercial et critique. Vilain petit canard de la science-fiction des années 2000, projet presque mythique devenu culte au fur et à mesure des avis complètement discordants le concernant : tantôt chef d'oeuvre obscur métaphysique, tantôt navet vulgaire clipesque. Le plus fou c'est de remarquer que Southland Tales correspond à ces deux définitions : sorte de bordel cinématographique aussi indigeste qu'il est grandiose, ce pur produit maudit de l'industrie hollywoodienne est à la fois d'une force sensorielle complètement folle - toute la partie finale - et d'une grossièreté de forme qui le ferait passer pour une Série B boursouflée pour un curieux non préparé. Casting hétéroclite (Dwayne Johnson, Seann William Scott, Justin Timberlake), Moby à la bande-originale, adaptation de Philip K. Dick... tant de noms complètement incompatibles qui pourtant livrent une oeuvre d'une cohérence remarquable. Non, Southland Tales n'est pas un film pour tout le monde. Loin de là. Mais cet OFNI démentiel et objectivement imparfait est une expérience inoubliable si on laisse son ambiance psychédélique et sa narration foutraque nous emporter dans les plus profonds abysses embrumés de notre sens critique. Unique, stupide et pourtant magnifique.


Le Bon, la Brute et le Truand c'est le Leone le plus divertissant et le plus engageant, ni trop léger comme les deux premiers volets de la Trilogie du dollar, ni trop sombre comme pouvait l'être Il était une fois dans l'Ouest. Leone trouve ici un équilibre parfait, livrant un western fédérateur, porté par une bande-originale magistrale, un casting de gueules de porte-bonheurs et des séquences d'anthologie. Un film complet, fusion magistrale du western spaghetti grand public et de la farce plus noire, dont l'universalité le rend facilement abordable tout en restant pourtant si follement ambitieux. Une référence du genre.


Paul Schrader est l'un des plus grands scénaristes que le cinéma américain ait connu. Réalisateur à ses heures perdues, il décidera au début des années 80 de formuler sa fascination pour le Pays du Soleil Levant en images, et ce en réalisant une biographie de l'écrivain Yukio Mishima. Cluster de ses plus folles expérimentations narratives et visuelles, où fiction et réalité fusionnent dans une explosion musicale de couleurs, de décors irréels et de transgressions littéraires : Mishima est un film complètement unique, plastiquement grandiose, situé quelque part entre l'hommage symbolique et l'introspection abstraite. Schrader est une sincérité incroyable, son langage est généreux et fascine de bout en bout. Une oeuvre magnifique à ressortir du placard de toute urgence.


Après le succès de sa trilogie La Condition de l'homme, la carrière de Masaki Kobayashi est menacée : contestataire, ne se gênant pas pour casser allègrement la société nippone, il est difficile pour lui de retrouver la confiance de ses producteurs. En 1962, Kobayashi sort pourtant Harakiri, un chanbara contant l'histoire d'un ronin (un samouraï errant, sans daimyô, c'est à dire sans seigneur) qui se présente aux portes au château du clan Ii pour réclamer son droit de se faire harakiri, le suicide des samouraïs. Impossible de passer outre la mise en scène de Kobayashi. Si le style du cinéaste peut trouver ses limites (notamment dans Kwaïdan, lent et davantage flashy que réellement marquant), il atteint son apogée dans Harakiri : Kobayashi filme des mecs assis qui discutent comme personne. Harakiri explore en profondeur la société japonaise : fresque, non pas du Japon féodal (ou alors la morale féodale du Japon contemporain), mais de ces valeurs traditionnelles japonaises, bouleversées par ce ronin. Un ronin qui ne se heurte pas à un puissant guerrier mais à la figure même de cette autorité : un affrontement dont l'intérêt n'est ni la victoire ni la défaite, mais le simple fait de l'avoir mené. Harakiri est une vive critique de ce Japon ancestral, dépassé par ses croyances, regardant avec admiration cette armure vide mais impressionnante. Harakiri est un film qui critique le harakiri (et c'est tout sauf un paradoxe), symbole évident de ces valeurs japonaises. Kobayashi donne à son film une deuxième couche, une deuxième dimension, qui au-delà du format classique du chanbara, donne une véritable réflexion sur son pays, érigé au rang de société dépassée, menteuse, inhumaine, aux valeurs barbares. C'est à ce moment que l’œuvre entre dans la postérité : à ce moment précis où, Harakiri, plus qu'être un film classique, a décidé d'être aussi une véritable façade de son époque. Rarement un film aura osé dire autant de chose dans un contexte aussi complexe. Une marque de bravoure de plus de deux heures, un must-see aux allures d'incontournable, un chef d’œuvre dont le titre est définitivement représentatif de l'effet qu'il fait au spectateur : une éventration suivie d'une décapitation. Harakiri, c'est un film coup de sabre.


2001, l'Odyssée de l'espace c'est à l'origine le projet le plus fou du réalisateur le plus inventif et novateur de son époque : Stanley Kubrick. Pendant le tournage du Docteur Folamour, Kubrick se trouve une passion dans la conception d'effets spéciaux. Il se lance alors dans la lecture de romans de science-fiction, et décide d'adapter la nouvelle La Sentinelle de Arthur C. Clarke. Il rencontre le-dit auteur et se lance dans ce projet, aux caractéristiques techniques démesurées pour l'époque. Plusieurs dizaines de décorateurs, de spécialistes des effets spéciaux, des contacts à la NASA, deux ans de post-prod et une ambition visuelle complètement révolutionnaire. Il y aura dans l'historie du cinéma un avant-2001 et un après-2001. Découpé en trois parties bien distinctes et de durées inégales, dès les premières minutes, l'ambition de Kubrick est clairement définie : il veut parler de l'être humain, du cycle de la vie, de l'évolution. De la part d'un mec comme Kubrick, c'est pas grand chose - des sujets vastes, universels, qui au-delà d'une portée philosophique écrivent aussi une page d'un roman social. Car le maître ne s'arrête pas là, abordant de la même manière des problèmes de société, dont le plus évident est celui de la place de plus en plus importante de la technologie : l'occasion de souligner que nous sommes en 1968, donnant une idée de la dimension visionnaire du film. Si 2001 a un fond incroyable, ce n'est sans évoquer la forme : si l'aspect parfois contemplatif de la chose rebutera les curieux les plus inadaptés, la mise en scène est d'une infinie beauté - une construction du cadre, un jeu de lumières presque unique - en plus d'être d'une inventivité de chaque instant. 2001, l'Odyssée de l'espace va encore plus loin qu'un simple film de science-fiction, c'est un classique instantané, qui déjà à l'époque, mais encore aujourd'hui, divise et ouvre le débat.


Hayao Miyazaki c'est le Père Castor des enfants nés après 1980. Conteur brillant à l'œuvre variée, immense et quasi-parfaite, tous ont pourtant un film qui les touche plus que les autres parmi sa filmographie : qu'il s'agisse du rêveur Le Château dans le ciel, de l'épique Princesse Mononoké, de Porco Rosso ou encore de Mon voisin Totoro. Le Voyage de Chihiro apparaît souvent comme l'un des plus cité : cette épopée magique aux allures de conte philosophique - dont certaines interprétations ne feraient que vous gâcher le souvenir que vous en gardez, vous pouvez le croire - est l'une des références d'une génération. Chihiro c'est le film qui ne vieillit pas, qui nous éblouit à cinq ans, nous émeut à quinze et nous ramène en enfance bien des années plus tard. Empreint d'une mélancolie propre à l'univers miyazakien, il en est sans nulle doute l'un des pivots. A l'époque où Disney tentait d'imiter ces créateurs d'histoire nippons, Miyazaki réalise son coup de maître : qu'il soit la longue-vue qui nous ramènera éternellement sur un banc d'école ou le reflet du temps qui passe, Le Voyage de Chihiro n'est peut-être, au final, que la réponse définitive à la plus grande question du cinéma : la magie et l'émerveillement n'ont pas d'âge.


Tarkovski est un cinéaste difficile à aborder mais Stalker est peut-être son film le plus accessible - notamment parce qu'ici, le réalisateur soviétique condense sa passion pour les corps dans un univers onirique et silencieux, obscur et contemplatif. Il y a quelque chose de mystérieux dans Stalker, quelque chose de si fondamentalement abstrait qui en construit tout l'empreinte artistique si particulière. Les plans s'impriment sur la rétine, on se prend à oublier les métaphores pour se focaliser sur la sensation pure d'un film d'une ambition énorme, l'expérience cinématographique inégalable d'une oeuvre aussi étrange qu'elle ne prend jamais le spectateur par la main. Superbe.


En s'inspirant du Roi Lear de Shakespeare, Akira Kurosawa trouve le parfait équilibre entre la force symbolique de sa veine théâtrale et l'épique grandiose de ses scènes de combats surhumaines. Ran est son film le plus fou, le plus ambitieusement gigantesque, un film énorme où les décors incroyables supplantent à merveille tous ces hommes anonymes, identifiables qu'à leurs bannerets. Ran impressionne, car il est démesuré, qu'il ne semble avoir aucune limite : Kurosawa, dans un chant du cygne presque ultime (il réalisera encore trois films), offre une fresque dantesque sur le pouvoir et la guerre. Le monde s'embrase, le sang des guerriers coulent, et parallèlement la dramaturgie shakespearienne se met en place sous un déguisement des plus épiques.


La richesse des dialogues, l'instinct de l'action de Tarantino, le casting parfait, la BO euphorisante, les références culturelles à gogo... Pulp Fiction n'est qu'un gros divertissement boursouflé de répliques badass sur fond de culture polar, mais il est très difficile de bouder devant un tel spectacle. Quoi qu'on dise de ce que Tarantino a pu devenir après Jackie Brown, Pulp Fiction dégage une maîtrise insensée de la construction du récit et de la narration. Chaque scène est un plaisir instantané, chaque phrase est entrée dans la légende, transformée en culte par ses hordes d'aficionados. Difficile de mesurer l'influence de Pulp Fiction sur la culture populaire - deuxième long-métrage et pourtant déjà un film somme, le talent de Tarantino pour exécuter avec brio son rouleau-compresseur d'idées scénaristiques foncièrement cools fait de Pulp Fiction un orgasme cinématographique. Énorme.


1945, le Japon est touché par deux bombes nucléaires américaines qui font près de deux cent cinquante mille morts, dont la quasi-totalité était des civils. Akira traite indirectement des conséquences de ce massacre, prenant place dans le futur, à la suite d'une guerre meurtrière. Entre véritable allégorie de la bombe nucléaire, critique de la toute-puissance américaine et cri désespéré de la condition japonaise de l'époque, une oeuvre d'une violence à peine mesurable et d'une force gigantesque. Si le chara design a un peu vieilli, il dégage une sorte de nostalgie difficilement saisissable, contribuant à la crasse du film mais aussi à ses accents rétro absolument remarquables. Akira c'est beau à regarder, mais aussi magnifique à écouter : la qualité des doubleurs, mais aussi et surtout la bande-originale absolument magistrale du génie qu'est Tsutomu Ohashi - et il est certain que le film n'aurait pas été le même si la musique n'avait pas été là, soulignant d'autant plus ses moments de gloire, donnant au tout une grâce épique unique. Ceci rythmé sur l'histoire forte du manga d'Ôtomo. Mais plus que sur ses indéniables qualités techniques, pour s'intéresser au succès d'Akira dans le monde occidental, il faut revenir au contexte de l'époque : la japanimation n'étaient pour beaucoup que ce qu'elle était présentée au Club Dorothée - censurée, biaisée, critiquée. L'arrivée d'Akira dans les salles françaises sera d'abord relativement discrète, malgré que le film ait rapidement regroupé un cercle d'admirateurs, mais c'est dans les années qui suivirent que le film obtiendra la gloire qu'on lui connaît : aucune censure, sur une oeuvre criante d'intelligence et porteur d'un message fort, mais aussi d'une violence comme peu en avait déjà vu dans un dessin-animé. C'était une libération, le pivot d'un genre qui participera à la création d'une véritable vague culturelle, et qui encore aujourd'hui inspire. L'image de la moto rouge, de Neo-Tokyo, des métamorphoses de Tetsuo... tant de moments qui font figure de symboles cultes aujourd'hui, même si l'on a pas vu le film. Parce que plus encore d'avoir réalisé l'un des plus grands chef d'oeuvre de l'animation japonaise, Ôtomo a su en faire un objet de culte, jouant beaucoup avec la sensorialité du spectateur, à travers à la fois des scènes d'une rare beauté et des images qui marquent. Immense.


« Apocalypse Now n'est pas un film sur le Vietnam, c'est le Vietnam. » Ces quelques mots de Francis Ford Coppola à propos de ce film de légende sont entrés dans l'histoire. Non, Coppola ne vante pas les qualités de son film mais l'enfer de production que fut celui d'Apocalypse Now, tournage devenu presque aussi célèbre que le long-métrage lui-même. Pourtant, bien au-delà de cette anecdote de cinéphile, c'est une fresque retentissante que livre Coppola : un bateau avance, au cœur de la jungle, au cœur des ténèbres, au couleur de la folie. On perd notion d'espace, de temps et de réalité, quand l'odeur du napalm et l'instabilité mentale des protagonistes finit de nous submerger. Apocalypse Now, c'est bel et bien le Vietnam, et pour plein de raisons. Ce grand coup de pinceau de l'un des cinéastes les plus géniaux de tous les temps est une expérience redoutable, empli de scènes et de plans mythiques, de personnages et d'acteurs perdus dans cet enfer titanesque, dans cette ambiance étouffante. C'est sur la chanson psychédélique évoquant l'inceste et le parricide The End que s'ouvre Apocalypse Now, écriture presque noble de ce que l'écran nous évoque : fort, blessant, dérangeant, et pourtant si majestueux. Le classique des classiques, le film de guerre des films de guerres, la Palme des Palmes. Un film de géants.


C'est l'horreur pure, le chaos total que filme Elem Klimov. Requeim pour un massacre porte parfaitement son nom. Film de guerre sans combats, récit initiatique à la cruauté, plongée dans l'enfer de l'homme. Les plans sont sales, crasseux, le monde n'a jamais aussi semblé désespéré. La chute semble inarrêtable, infatiguable, et bientôt, le film de Klimov devient un cauchemar. Dans son esthétique, dans le regard porté par son personnage principal. Au départ, c'est au grès d'un simple plan que Klimov dévoile la mort et la destruction. Dans la dernière partie, l'ambiance même du film ne laisse aucune porte de sortie. Un sommet du genre et le film ultime sur la terreur de la seconde guerre mondiale.


Point Limite est la contradiction totale de Docteur Folamour. Là où Kubrick faisait de la troisième guerre mondiale involontaire une farce noire, Lumet en fait une tragédie terrifiante, obscure et sans espoir. Point Limite est un film tranchant, viscéral, dont l'étau se ressert, infatigable, sur ses protagonistes. Le dispositif purement Lumet, cette plume où l'espace fermé devient propice aux plus folles envolées lyriques, cette mise en scène qui magnifie le moindre mur et le moindre ordinateur, faisant de cette limite géographique une prison invisible. Lumet est un géant, Point Limite est l'aboutissement de son cinéma, rencontre au sommet de l'ambiance étouffante et des thématiques engagées qui jonchent son cinéma. Un chef d'oeuvre et un cours d'écriture visuelle à lui tout seul.


Ultime chant du cygne du grand Joseph L. Mankiewicz, Le Limier est à la fois un tour de narratif hérité du théâtre absolument incroyable, mais aussi la démonstration formelle d'un cinéaste qui filme l'espace comme aucun autre. Le Limier c'est un duel intellectuel et manipulateur, Mankiewicz en filme la retenue mais en capte la violence invisible. C'est là son tour de force : faire de son théâtre d'aristocrates un film d'action où le mouvement passe par l'art du dialogue, et celui de le mettre en scène. La fluidité du récit envoûte, avec son scénario complexe et pourtant d'une limpidité absolue - au centre, deux acteurs. Deux géants d'outre-manche, Laurence Olivier et Michael Caine, dont l'affrontement à la Conan Doyle alterne les genres et les tons, passant du thriller labyrinthique à la comédie noire. Remarquable.

4 - Les Sept Samouraïs (Akira Kurosawa, 1954)

Classique du cinéma japonais par excellence, film phare d'Akira Kurosawa, l'influence qu'a eu Les Sept Samouraïs est à peine imaginable : autant sur le genre du chanbara au Japon que sur le western américain - John Sturges en réalisera d'ailleurs un remake quelques années plus tard, Les Sept Mercenaires. Il faut dire que ce qui fut à l'époque de sa sortie le film nippon le plus cher jamais produit a marqué son époque et est rapidement accédé à la postérité. Fresque impressionnante de trois heure trente, le film de Kurosawa n'est pas une seule seconde ennuyant : épique, rythmé, parfois drôle et souvent impressionnant de maîtrise. Vraie révolution de par ses techniques novatrices (la fameuse utilisation de plusieurs caméras qui coûta bonbon à la Toho), tournage monumental de près d'une année, avec son casting au goût de perfection (Toshiro Mifune plus génial que jamais, Takashi Shimura en sensei sagace et charismatique, et des seconds rôles aux faciès mémorables : Minoru Chiaki et Seiji Miyaguchi). Kurosawa filme ses samouraïs avec une intensité démesurée, une ambition terrassante et une maîtrise que lui seul possède. Plus qu'un pilier indispensable du Septième Art, un cri de guerre incroyable non dénué d'un propos social habituel aux films de Kurosawa. Davantage qu'un immanquable, c'est un texte fondateur, une grandiose aventure qui ne lâche jamais le spectateur jusqu'à sa conclusion. Chef d'oeuvre inégalable.

3 - Amadeus (Milos Forman, 1984)

Milos Forman aime les figures de génies excentriques. Qu'il s'agisse d'Andy Kaufman, de Larry Flint ou ici de Wolfgang Amadeus Mozart. Amadeus n'est pourtant pas un simple biopic, Mozart n'en est même pas le personnage principal - Forman évoque l'ambition et la jalousie, la grandeur et l'immortalité : Amadeus est un opéra tragique qui évite tout classicisme. Récit d'une rivalité et d'une admiration, peu importe que sa véracité historique soit approximative, Amadeus est un grand film porté par deux acteurs incroyables - Tom Hulce et F. Murray Abraham -, étude en profondeur du fantôme d'un personnage mythique, d'un génie parmi les génies, si grand et pourtant si petit, si précis et pourtant si sauvage. Non, Amadeus n'est définitivement pas un simple biopic, mais une fresque gigantesque, imprévisible, et pourtant si majestueuse.

2 - Memories of Murder (Bong Joon-ho, 2003)

2003, c'est l'année où le monde entier découvre le cinéma sud-coréen. Du choc Old Boy à Cannes - il repartira d'ailleurs avec le Grand Prix - jusqu'à Printemps, été, automne, hiver... et printemps de Kim Ki-duk. Mais Memories of Murder demeure encore aujourd'hui le plus grand chef d'oeuvre que nous ait apporté la vague culturelle Hallyu. Polar d'une noirceur glaçante, ponctué d'un second degré hilarant, portrait d'un pays en pleine mutation. On évoque bien sur le premier serial killer de l'histoire de la Corée, mais aussi et surtout le passage de la dictature militaire à la démocratie qu'on connait aujourd'hui. La corruption d'un système aussi désuet qu'il est archaïque par le prisme de sa milice. La police n'a ici aucun pouvoir, sauf celui de contempler, impuissante, l'ombre du mal se répandre lentement sur leur quotidien. Thriller de haut vol, le spectre d'une horreur étouffée qui gangrène sa mise en scène aussi brillante qu'elle surprend de modestie. Bong Joon-ho est un grand cinéaste, un cerveau énorme qui sait aussi bien traiter de sa société (The Host) que de la société (Snowpiercer). Memories of Murder condense les deux, à la fois pure réflexion à la dimension nationale - les abus de la dictature de Park Chung-hee jusqu'aux années 80 - mais aussi fresque bluffante sur l'horreur du monde, vêtue d'un habit ordinaire, et de sa traque. Des mémoires qui tremblent et font trembler.

1 - Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1972)

À la sortie de Orange Mécanique, beaucoup qualifièrent Kubrick de fou à lier. On est pourtant sans doute plus proche du génie que de la folie, car Orange Mécanique c'est surement l'apothéose du cinéaste, la fusion de tous ses thèmes, de toutes ses ambitions en un seul film, la violence d'un Shining, le pessimisme d'un 2001, la tragédie d'un Barry Lyndon. Film choc par excellence, toujours aussi dérangeant quarante ans après sa sortie, toujours aussi brillant et marginal. Film somme et pourtant central, satire engagée contre le conditionnement moderne des foules, par le gouvernement, par le capitalisme, par la société même, Orange Mécanique est un film universel, intemporel. Les thèmes abordés n'ont aucune limite, aucun plafond, rien n'arrête Kubrick dans sa démarche moralement subversive de montrer l'homme dans son état naturel : être naturellement violent, sans scrupules, animal dangereux. Et ce sont ces instincts refoulés de sa personnalité dont Orange Mécanique traite, la constante fragilité de l'équilibre d'un système qui n'a d'autres moyens d’œuvrer sur ses sujets que par la castration de leurs ambitieux desseins destructeurs. Un classique indispensable, qui restera d'actualité tant que l'homme continuera de fouler le monde.

29 commentaires:

  1. Wow, tu as eu du courage pour réaliser un top 100 qui plus est détaillé, j'en serai bien incapable. En tout cas il y a beaucoup de trucs qui me plaisent également dans ta liste, bien joué :) ;)

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  2. Ton classement est intéressant. Sauf que je ne comprends pas pourquoi "The Dark Knight" de C.Nolan n'y figure pas.

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  3. Très bon top. Enfin un cinéphile qui ne suit pas la masse populaire qui pense que Inception est un chef d'oeuvre :D

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  4. Je ne peux être que d'accord avec toi pour la première place puisque je voue également un culte à Gattaca. Par contre, Inception est en effet un très très bon film à mes yeux, tout comme The Dark Knight, qui se place dans mon Top 3 personnel.

    Je note également les absences du Labyrinthe de Pan, de Black Swan, du Silence des Agneaux, de The Hours ou encore de Magnolia, de Wall-E et du Roi Lion. Mais en dehors de cela, tous mes films préférés sont dans ce TOP 100.

    Bravo pour l'énorme travail accompli ! ;)

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    1. Merci ;-) Pas fan de Nolan, ses films depuis Batman Begins me gavent de plus en plus. Ni de Aronofsky au passage, et "Black Swan" est certes un très bon film, mais je ne le mettrai pas mon Top 100 (qui au passage, va être refondu d'ici peu - faut que je m'y mette... :s ). Pan, je l'ai vu y a trop longtemps, Le Silence des Agneaux est un bon mais j'avais encore en tête les bouquins (et l'adaptation par la NBC "Hannibal" est bien plus fidèle, notamment pour le personnage de Lecter), jamais vu "The Hours" et grand fan de Magnolia - mais de PTA je préfère There Will Be Blood.
      Jamais été envoûté par Le Roi Lion (malheur à moi!) et Wall-E est un bon Pixar, mais comme Ratatouille, ne m'a pas fait rêver.

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  5. Bon bon je viens de jeter un coup d'oeil à ce top 100 2.0. Encore une fois je suis assez impressionné par le travail que tu as réalisé, c'était intéressant du début à la fin. Tu as réussi à me blaser, car avec ton top tu m'as rappelé le nombre de films majeurs et cultes que je n'ai toujours pas vu! Donc bravo à toi, et voir Watchmen dans ce top m'a bien fait plaisir haha :)

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    1. Merci beaucoup ! De Snyder j'ai hésité à mettre son "Armée des Morts" qui faisait partie de la liste des 200 derniers en gros. D'ailleurs y a l'original de Romero, "Zombie", que je te conseille fortement !

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    2. Je l'ai vu Zombie, je l'avais même vu avant de voir L'Armée des Morts, mais j'ai moyennement aimé :/

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  6. Le travail fourni est franchement incroyable. Comme Aymeric, je suis ébahi lorsque je vois tous ces films qui me sont inconnus (je vais, à tort, rarement fouiller dans le cinéma asiatique).
    Par contre, Gattaca a perdu sa première place, et c'est inadmissible ! Tu n'accordes déjà rien à Nolan et Aronofsky, mais en plus tu rétrogrades mon film préféré ...
    Non franchement, bravo et merci pour ce Top 100, que je viendrai revoir de temps à autres, à la recherches de films à regarder ! ;)

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    1. Merci !
      Le cinéma asiatique est un cinéma que j'admire, mais il est très varié. Y a bien sur Bollywood, mais rien que dans le trio Chine/Japon/Corée y a des grosses différences. Chacun a d'ailleurs eut son âge d'or (la Chine avec l'essor du cinéma d'art martiaux, le Japon avec Kurosawa puis avec l'essor des mangaka et de la japanime, puis depuis la fin de la dictature la Corée du Sud). C'est un cinéma vraiment passionnant. Si tu es très cinéma d'action, je te conseille la Chine et Hong-Kong (avec le cinéma d'art martiaux, mais aussi des films comme Infernal Affairs ou les oeuvres de Tsui Hark par exemple), mais aussi le cinéma plus "réaliste", dans un courant proche de ce qu'a put faire le romantisme au XIXème siècle (avec Jia Zangke) voir parfois un cinéma assez novateur dans le genre (Wong Kar-Wai).
      Le Japon c'est autre chose. Y a bien sur Akira Kurosawa, auteur à la fois de fresques historiques (Les Sept Samouraïs, Ran, Kagemusha, Rashômon) mais aussi de thrillers yakuzas qui influenceront tous les films de mafieux que l'on connait (Le Parrain et cie) avec Les salauds dorment en paix ou Chien Enragé. A part Kurosawa y a des cinéastes comme Takeshi Miike que j'aime beaucoup, et tout un cinéma d'horreur / thriller inspiré de certains mangas, mais aussi tout ce qui est japanime, mais là j'apprends rien : Ghibli avec Miyazaki et Takahata, et des tas d'autres mecs talentueux comme Makoto Shinkai, Mamoru Hosoda, Mamoru Oshii, ou même Otomo.
      Mais mon préféré c'est le cinéma sud-coréen, qui a redéfinit la limite entre thriller et comédie. Bong Joon-ho, Park Chan-wook, Im Sang-soo, Kim Jee-woon... et j'en passe. Un cinéma à découvrir !

      Gattaca 2ème, ça a été un dilemme cornélien d'ailleurs ! Sinon Nolan et Aronofsky c'est mes bêtes noirs. Le premier j'adore et j'admire son travail de début de carrière - Following, splendide, Memento, ambitieux, et surtout Insomnia, fantastique remake à l'ambiance unique qui était aux portes de ce Top 100. Aronofsky à part son Pi, je peux pas le saquer. Je le trouve prétentieux. Il a de très bonnes idées mais il est obligé de les souligner à chaque fois comme si le spectateur était attardé.
      Enfin bon, c'est subjectif ^^

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  7. Ton blog est très bien construit, ta liste du Top 100 très bien choisie, avec des films tous plus cultes les uns que les autres, et ton écriture très agréable à lire, ce qui ne gâche rien au plaisir ! :-)
    Par contre, je suis étonnement surprise qui tu n'aies mis aucun film de Woody Allen dans cette liste : à mon avis, il manque quand même un Manhattan ou un Annie Hall pour couronner le tout... Cela dit, tu as dû fournir un travail colossal pour en arriver jusque là, et je ne peux être qu'admirative de cela ! :-)

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    1. Merci beaucoup!
      Woody Allen, j'ai vu ses plus grands classiques (Manhattan, Annie Hall donc), mais c'est pas un cinéaste dont je suis fan. J'aime beaucoup ces films, mais comme je le dis, en plus d'en avoir oublié plein, "100" c'est presque trop petit (c'est pour ça que je réfléchis à faire grimper à 150 et mettre donc probablement un ou deux Allen). En faites, je suis persuadé que des films que je n'ai volontairement pas mis passeront devant, puisqu'il y a des films que je voulais absolument faire figurer même si j'ai vu bien meilleur :)

      En tout cas, re-Merci !

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    2. Oui, je me doute que de classer uniquement 100 films relève d'un choix cornélien. Mais je suis de ton avis : Woody Allen n'est pas non plus mon réalisateur favori, mais disons que j'apprécie énormément son auto-dérision, son humour et son côté intello.
      Il y a également un autre film qu'aucun blog de ciné (ou presque) ne classe, c'est le magnifique "Boys don't cry" de Kimberly Peirce. Même si cette dernière n'est vraiment pas une réalisatrice influente, la mise en scène de la transsexualité à travers la géniale Hilary Swank m'a complètement bouleversée. Après, je ne sais pas si c'est juste que moi qui ait apprécié ce film, mais il devrait vraiment mériter plus d'attention. Pour ton futur classement, n'oublie pas de mieux valoriser les films réalisés par Clint Eastwood ;-)
      En tout cas, je suis ravie de voir que quelqu'un d'autre que moi est également fan du cinéma coréen. Il est beaucoup trop sous-représenté en France, ce qui est tellement dommage...

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    3. Jamais vu "Boys don't cry", mais on m'en parle depuis un moment en bien !
      Concernant Clint Eastwood, j'ai jamais été un amateur de son cinéma en tant que réalisateur :/ En faites, à part "Mystic River" il n'y a aucun de ses films qui m'ai réellement marqué. Que ça soit "Million Dollar Baby", "Impitoyable", "Gran Torino" ou "L'échange", c'est vraiment un cinéaste auquel je n'accroche pas.

      Pour le cinéma coréen, j'adore effectivement ^^ Sous-représenté, en tout cas seulement dans la distribution DVD, car on a de supers teams de trad en France quand même ! Subwawa est une mine d'or !

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  8. C'est quand même bizarre que tu mettes un film comme Au revoir les enfants mais pas Le Pianiste qui est bien plus traumatisant...

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    1. Pour plusieurs raisons : d'une part "Au revoir les enfants" est un film que j'ai vu... enfant. En somme il a été bien plus traumatisant pour moi. Un souvenir impérissable qui me hante encore, tant c'était la première oeuvre mature sur la seconde guerre mondiale que je voyais.
      "Le Pianiste" je suis bien moins fasciné : c'est formellement bien fait, mais, c'est bizarre à dire mais ça manque de substance. C'est d'un classicisme et d'un manichéisme un peu désués, et ça ressemble à mille films qu'on avait déjà fait sur cette période. Un film très beau mais pas mémorable pour ma part. D'où son absence dans ce Top.

      Si tu veux un autre film traumatisant sur cette période (que j'ai oublié de mettre), regarde le film russe "Requiem pour un massacre" de Elem Klimov. Un petit chef d'oeuvre.

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  9. Bon top 100, il manque juste Eternal Sunshine of the Spotless Mind qui est mon film préféré :)

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  10. Bon top bien varié et qui change des tops contenant sempiternellement les mêmes films. Par contre un petit Kim Ki-Duk m'aurait fait plaisir ;) ainsi qu'un Altman un Sorrentino et of course un Lynch :) superbe top en tout cas

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  11. C'est vraiment un beau top 100 ! Les images, les commentaires, la composition. Un vrai régal.

    C'est mieux que les "100 meilleurs films de tous les temps" qu'on est habitués à voir, et complètement débiles.

    Ce que j'aime avec ce classement, c'est que c'est beaucoup de films cultes, mais avec ta touche et ton regard personnel. C'est un peu une "arche" de films biens qui devraient servir de leçons.

    Bon, Je ne serai jamais content sur Mélancholia, mais ce film est un peu "l'affaire Dreyfus" des cinéphiles. Par contre je suis tellement heureux d'y voir Still Life, et autant de films asiatiques !

    Ca me donne envie de m'y atteler aussi, mais sans espoir de faire aussi beau et bien, et avec tellement de temps et de frustrations pour sélectionner tout ça :)

    Félicitations !

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    1. Merci beaucoup !

      Beaucoup d'asiatiques effectivement, et surtout beaucoup de japonais (doit y en avoir une bonne quinzaine). Mais faut dire que les nippons sont assez généreux de ce point de vue là !
      Melancholia fut une expérience inoubliable en salles, j'avais terminé les jambes tremblantes (la scène finale sur Wagner). Le genre d'expérience de cinéma qui marque à vie, quoi. Mais c'est clair que c'est pas fait pour tout le monde.

      Même s'il n'est pas annoté, ce serait un plaisir de lire ton top en tout cas !

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  12. Moi c'est le pré-générique qui m'a fait une très forte impression en salle. Et puis après, Lars von Trier utilise les mêmes 3 notes d'intro de Tristan et Iseult de Wagner, une fois, deux fois, trois fois... Au bout d'un moment, j'avais aussi les jambes qui tremblaient, mais seulement de l'envie de les foutre dans la figure de Lars von machin. Bon j'ai plein d'autres griefs contre ce film qui est un des seuls films avec lequel j'ai une relation de haine (d'habitude, quand je n'aime pas un film, je laisse vite tomber s'il n'en vaut pas la peine... sauf celui-ci), mais je vais pas m'étaler là.

    On ne contrôle pas le coup de foudre d'une rencontre sur grand écran avec un film. Moi ça m'est arrivé avec Magnolia et There will be blood de Paul Thomas Anderson, et plus récemment avec les "Bêtes du sud sauvage" de Benh Zeitlin . Au bout de 10 minutes, j'étais en larmes tellement ça me semblait beau, et à la fin j’étais liquéfié sur mon siège tellement il m'avait fait une forte impression. Plus tard, j'ai lu des critiques négatives qui n'avaient pas tord, mais l'espace de deux heures, j'étais totalement happé par le film.

    Pour le top 100... je vais voir. Ton classement donne envie de s'y mettre, et avec les outils de Sens Critique, c'est devenu plus facile et ludique. En tout cas, j'aime bien l'équilibre que tu as atteint entre les films de différents genre, et de différents pays. C'était un peu calculé, ou ça s'est trouvé assez naturellement ?

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    1. Oui c'est sur qu'ensuite c'est une question de sensibilité. Il y a Le Congrès aussi présent dans ce Top qui m'a récemment aussi fait cet effet là. J'étais complètement tétanisé, d'émerveillement, de peur, de tout... Je suis resté complètement figé sur mon siège pendant cinq minutes après la fin du film, et elle m'a hanté pendant des mois. Vu qu'il n'y a finalement que peu de films que j'ai vu en salles dans ce top (beaucoup de découvertes sur le tard, je ne suis pas si vieux), je crois que c'est finalement l'un de mes plus grands chocs dans une salle de cinéma.

      Honnêtement c'est un peu calculé, j'ai essayé de doser un peu de tout, et à part mon trio magique (Kurosawa / Kubrick / Spielberg, les trois cinéastes qui ont marqué ma cinéphilie), j'ai évité de sur-représenter d'autres cinéastes. J'ai surtout essayé d'équilibrer les films plus exigeants et ceux moins exigeants, dans la limite du possible, passer de Toy Story à Still Life par exemple. Vu que faire un classement est en soi impossible, autant en faire un panel de ma cinéphilie, ça me semble plus intéressant.

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  13. Excellent top, de A à Z !
    Quelle cohérence, qu'il s'agisse des films que j'ai vu (ou pas) et aimé (ou pas)
    Vraiment excellent.

    Hâte que tu voies The Assassin de Hou Hsiao Hsien, je suis sur qu'il aurait sa place dans ce top !

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    1. (j'avais pas vu ton commentaire !)
      Merci !
      The Assassin on verra bien ! Je met rarement des films qui viennent de sortir, faut leur laisser le temps de grandir dans mon esprit. Même si je pense surkiffer à l'avance.

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  14. J'adore votre top 100 ! Ça m'aide à trouver des films culte voire OVNI! Est ce que pouvez faire un top 50 ou 20 des films les plus incroyables de l'histoire du cinema (visuellement techniquement ou du jamais vu et qui repousse les limites du cinema classique ) si vous avez sincèrement le temps après vos dossier a venir. Merci

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  15. J'adore votre top 100 ! Ça m'aide à trouver des films culte voire OVNI! Est ce que pouvez faire un top 50 ou 20 des films les plus incroyables de l'histoire du cinema (visuellement techniquement ou du jamais vu) si vous avez sincèrement le temps après vos dossier a venir. Merci

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    1. Merci beaucoup !

      Un top des plus belles claques visuelles serait effectivement une bonne idée ! Je vais m'y atteler, mais ce ne sera probablement pas pour tout de suite ! ;)

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  16. Ah oui! J'ai oublié ensuite les top 100 des films classiques ( annees 10,20,30,40,50,60,70 jusqu'à 1980) tellement genial que c'est impossible de soit produire ou soit à faire le remake aujourd'hui

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  17. Est ce que requiem pour un massacre est meilleur que tout les film de guerre de monde entier ? celui qui représente parfaitement la guerre. Et dernier question propagande ou anti guerre?

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