Mon Top 30 des films de 2019

Mon Top 30 des films de 2019

Fin d'une année, fin d'une décennie. Retour en images, en textes, en sensations et en émotions sur la cuvée cinéma 2019. D'Hamaguchi à Eggers, en passant par Gray et Llinas. Lire plus

Les Misérables

Les Misérables

Vrai-faux La Haine 2019, ce film de son époque est aussi un essai éminement philosophique sur un sujet sociétal majeur : le pouvoir d'une image et ses conséquences. Lire plus

The Irishman

The Irishman

Des gangsters, De Niro, Pesci, Pacino, une durée gargantuesque et un budget encore plus énorme : The Irishman avait des airs de film ultime pour Scorsese - où est-il justement un peu plus que ça ? Lire plus

The Lighthouse

The Lighthouse

Tour de force technique avant tout, The Lighthouse avait sû générer de forces attentes : le buzz passé, le résultat vaut-il un peu plus que le tour de passe-passe égocentrique ? Lire Plus

lundi 9 décembre 2013

Culture, Inculture & Subjectivité



Je pense que les cinéphiles me comprendront : on a tous un cadavre dans le placard. En faites, aucun d'entre nous ne s'intéresse au cinéma depuis sa naissance. On a tous eut un choc, un cap, une révélation due ou non à notre éducation (parents cinéphiles, grand frère geek, étagères de VHS...). Je ne veux pas vous ennuyer avec ma vie fort peu passionnante - oui car si elle peut être en apparence hyper cool, la vie d'un cinéphile blogueur au succès confidentiel est moyennement palpitante - mais je vais vous raconter en quelques lignes mon histoire : enfant curieux, élevé à Jurassic Park, Richard au pays des livres magiques, les productions Moonbeam Entertainment et Mon Voisin Totoro, mais qui demeurera globalement éloigné du milieu cinématographique. Au collège, il est toujours aussi fan de Harry Potter et en parle beaucoup sur des forums cinéma où on discute de l'adaptation de la saga sur grand écran. En apparence anodine, cette expérience lui permettra de découvrir la filmographie complète de Steven Spielberg et de la réciter par cœur comme un grand en 4ème, puis de s'intéresser à des réalisateurs un tant soi peu plus originaux, comme Wes Anderson, ou même David Fincher. Passé par une période films d'actions, il se rend compte que le cinéma ne débute pas avec Jurassic Park mais existait bel et bien avant : de Scorsese à De Palma, il fait un bon de vingt ans en arrière. C'est déjà pas mal. Alors il découvre que ce même cinéma a été inventé il y a plus d'un siècle, et que la France et les Etats-Unis ne sont pas les seuls producteurs de cinéma du monde. C'est le début d'une grande aventure. Mais ça nous amène quelque part.


Je suis certain que vous avez vous aussi votre histoire : votre Papa qui vous a refilé Le Parrain à treize ans, et ce fut un véritable choc, votre pote qui vous parle soudainement de Truffaut, et vous vous êtes finalement lancés... Mais ces anecdotes ont toutes une source commune : Au début, nous étions tous des incultes. Ça ne veut pas dire qu'on aimait pas le cinéma, non ! Mais si on ne s'était pas intéressés au cinéma, on sait tous à peu près où on en serait : fan des dernières découvertes en salles ou des plus gros succès public des vingt dernières années. Allez, au pif : Titanic, Avatar, Django Unchained, Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux et un ou deux Burton/Nolan - voilà à quoi ressembleraient nos fameux tops cinéma. Pourtant, et je ne pense pas parler que pour moi, quand je vois ce genre de "films préférés" sur des forums non-spécialisés (ou alors très populaires - Allociné je parle à cette chose que tu es devenu), j'ai tendance à rigoler doucement. Dans ma tête le raisonnement est simple : Haha, l'inculte ! Et puis quoi encore ? Le Jour d'Après ? Désolé pour ceux qui seraient fans de ces films, et même si j'aime beaucoup l'adaptation de la Trilogie de Tolkien, et qu'expérimenter Titanic en salles est absolument magique, il ne fait aucun doute que l'étiquette "INCULTE" arrive facilement sur le front de la personne concerné. Puis c'est à ce moment où je me rends compte que j'ai failli être comme ça. Si Kubrick ne m'avait pas ouvert les yeux sur ma passion, j'aurais continué à ne regarder que les films en salles ou sur TF1. Je n'aurais jamais cherché à savoir que la Corée du Sud, elle aussi, avait un cinéma, ou que des russes au nom de biscuits bretons avaient produit de magnifiques chefs d’œuvres depuis les années 20. Ce sont mes grands moments de questionnement existentiels : Pourquoi j'ai aimé ce cinéma ? Pourquoi aujourd'hui je ne l'aime plus ? Ce à quoi je me réponds moi même : l'absence de culture. Le fait de n'avoir vu qu'un certain type de films, le fait de n'avoir découvert qu'une infime partie de ce qu'est le cinéma.

Mais c'est toujours le cas aujourd'hui.

Même si j'ai vu un nombre de films conséquent (environ trois milliers, je ne compte pas à vrai dire), je n'ai rien vu. Personne n'a rien vu. Impossible de découvrir l'entièreté du paysage cinématographique en une vie aussi courte que la notre. Il suffit de comparer mes films préférés d'il y a un an - rien que ça - avec ceux d'aujourd'hui, et on remarque une nette évolution. Que vient faire ce film taïwannais ici ? C'est tout simplement qu'entre temps, j'ai découvert le cinéma taïwannais, et j'ai trouvé ça admirable. Tous les ans je découvre des films, et je parle au nom de tous, que je trouve encore meilleurs que ceux que j'avais vu avant. Et puis avec le recul je me dis : Comment j'ai pu adorer ce film ? Ok, c'est sympa, mais celui-là est tellement mieux en faites ! Nos goûts deviennent obsolètes, ils ont une date de péremption. Le fait de découvrir plus, et encore plus fait qu'on devient plus exigeants, et c'est comme cela qu'on se rend qu'un simple film qu'on aurait trouvé super fun il y a quelques années est devenu un sombre navet pourri par la machine hollywoodienne.


Tant qu'on a pas vu tous les films du monde, peut-on alors prétendre aimer réellement un film ? En prenant le risque que vingt autres viendront tout bouleverser dans les mois qui suivront ? Ou simplement faire un bond dans une autre réalité dans laquelle le fait de ne pas s'intéresser au cinéma nous a rendu fan de Resident Evil 3, et de conclure que dans cette réalité, on trouverait un dit film "complètement à ièch!" ? Tout est affaire de goûts finalement, et même si on trouve un film absolument parfait, rien ne dit que ça sera encore le cas dans un an. C'est une conclusion flippante (on aura toujours des goûts biaisés) mais aussi passionnante : du cinéma, on peut encore en manger pendant des siècles, on tombera toujours sur un film à aimer.
Mais ceci remet aussi en question le statut de goût cinéphilique : on en revient à la bonne ménagère fan de l'intégrale de Louis de Funès. Cette dernière n'a pas vu beaucoup de films, pour de multiples raisons, ou pense tout simplement que toute violence dans un film est une pure honte et le signe de l'Apocalypse... Est-on en droit de critiquer ses goûts ? De la qualifier d'inculte ? Car au fond, on est tous un peu incultes, on a tous été un peu comme elle, mais c'est un passé lointain et passé à la broyeuse en même temps que le visionnage de 2001 - L'Odyssée de l'Espace. Même si il est indéniable qu'il y a des bons films et des mauvais films, il est au final paradoxal de critiquer les goûts de personnes qui s'y connaissent moins que nous : de la culture découle l'objectivité, de cette même objectivité découle de la subjectivité. Ça peut paraître étrange comme conclusion mais elle est pourtant vraie : le fait de se penser objectif parce qu'on a de la culture, fait qu'on est dans le même temps subjectif car n'ayant pas tout vu.

Et puis, n'est-ce pas triste ? La plèbe adore Intouchables, c'est que quelque part, ce film doit avoir quelque chose de plus. Alors pourquoi ce film - malgré ses qualités - me laisse aussi indifférent qu'un autre ? J'ai l'impression de passer à quelque chose. Je regrette parfois d'avoir perdu mon innocence, la manière dont à une époque je découvrais un film, ne cherchait pas à en relever les défauts et les qualités, que j'appréciais simplement, sans me poser de questions. Ça m'arrive encore, des expériences sensitives au-delà de l'imagination (Le Congrès, de Ari Folman, très récemment), mais il est intéressant de noter que c'est de moins en moins courant, et pour des films tout sauf "populaires".

Peut-être que c'est pour ça que j'aime tant le cinéma, en fin de compte. Aimer et ne plus aimer, oublier et découvrir, penser à hier et avancer vers demain les yeux bandés, laissant derrière soi les méandres du passé et n'en retenir que quelques bribes. C'est un peu comme la vie en faites : s'émerveiller devant un cailloux à deux ans, affronter le monde réel quelques décennies plus tard. Plus dur, plus violent, mais toujours plus novateur.

2 commentaires:

  1. EXCELLENT article. Ca résume tout à fait mon état d'esprit. Kudos !

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  2. Bravo pour cet article !
    Je suis tombé dessus par hasard, et je me retrouve tout à fait dans la description ni plus ni moins d'un cinéphile. Je rajouterai juste que la culture ou l'inculture peuvent aussi être régressifs. Ca fait 4 mois que j'ai déménagé dans un pays sans vraiment de ciné ni d'accès au DVD ou sites qui favorisent la découverte de nouveaux films, et à mon grand regret, on décroche vite et on perd de sa curiosité, de son exigence et de sa cinéphilie quand on ne pratique pas régulièrement. Ou gagne t'on juste en subjectivité... C'est à voir ;)

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