Mon Top 30 des films de 2019

Mon Top 30 des films de 2019

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Les Misérables

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Vrai-faux La Haine 2019, ce film de son époque est aussi un essai éminement philosophique sur un sujet sociétal majeur : le pouvoir d'une image et ses conséquences. Lire plus

The Irishman

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Des gangsters, De Niro, Pesci, Pacino, une durée gargantuesque et un budget encore plus énorme : The Irishman avait des airs de film ultime pour Scorsese - où est-il justement un peu plus que ça ? Lire plus

The Lighthouse

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dimanche 10 janvier 2016

Le nouveau rapport des séries au temps


Ah, ces soirées canapé devant la Trilogie du samedi de M6. En France, on s'y réfère souvent, mais ce n'est pas une exclusivité nationale. Le visionnage hebdomadaire des séries télé, c'est son origine – une composante aussi essentielle que fondatrice, qui a influé autant sur son écriture, que sur sa structure, que sur sa durée de vie. Pendant longtemps, les épisodes de série (dont ceux des feuilletons) ont été conçus comme des chapitres, comme les étapes d'une histoire globale mais néanmoins porteurs d'une indépendance propre, indispensable à la réussite au court terme de ces œuvres. Improbable pour un The Wire ou un Six Feet Under de faire de sa finalité son seul enjeu. Les enjeux, ils sont constants : à court, moyen ou long terme ; et surtout, ils sont spécifiques à un épisode. Pour certaines, cela est plus notable que pour d'autres. La forme très épisodique de récents succès critiques comme The Leftovers, Mr. Robot ou Fargo ne fait qu'appuyer l'importance de l'unité hebdomadaire. A chaque semaine, son épisode ; à chaque épisode, son histoire ; à chaque histoire, sa thématique. Nul besoin pourtant de virer au formula-show. La parfaite adéquation se situe entre les deux formats.

En 2013, il s'est pourtant passé quelque chose. Une onde de choc, un séisme venu d'internet. Ce bon vieux internet. Un outil aussi infiniment absurde que terriblement utile qui a métamorphosé (en seulement quinze ans) à jamais notre consommation de produits culturels. Qu'il s'agisse de films, de séries, de jeux-vidéos ou de musique, il y a désormais un avant et un après internet. Même si ce changement, on l'a vu venir, et qu'il a été très progressif, 2013 sera pourtant l'année à marquer d'une pierre blanche. En 2013, Netflix a lancé House of Cards, sa première production originale (Lilyhammer, plus ancienne, était une coproduction). Bien sur, Netflix existait avant cela (en tout cas aux Etats-Unis), mais en créant elle-même ce résultat algorithmique parfait répondant aux demandes de ses clients, elle a introduit un mode de diffusion nouveau, lui aussi adapté à ses spectateurs : sortir tous les épisodes d'une saison en une seule fois.

Le binge-watching (le fait d'enchaîner le visionnage des épisodes d'une série) existait bien avant House of Cards. C'est d'ailleurs grâce à Internet – et à Netflix – qu'il s'est autant développé. Mais pour la première fois, en tout cas à cette ampleur, une série était produite à cette fin : celle d'être binge-watchée, celle d'être regardée d'une traite. Au fond, qu'est-ce que ça change ? Ceux qui veulent tout regarder en une fois n'ont qu'à le faire, ceux qui voient l'expérience sérielle comme une aventure au long terme n'ont qu'à faire des pauses. La différence, elle est pourtant là. Et elle est fondamentale.

C'était une affirmation peu évidente pour les premières séries Netflix – House of Cards comme Hemlock Grove se situaient encore dans l'entre-deux-eaux, tandis que le format d'Orange is the New Black (chaque épisode étant centré sur un personnage différent) en fait encore aujourd'hui une exception notable dans le catalogue original du service de VOD. Mais maintenant que l'offre est lancée et que les productions Netflix nous arrivent à un rythme affolant, on peut commencer à discerner un motif.



Qu'il s'agisse de l'excellente Bloodlines, de l'intriguante Sense8, ou encore de Narcos, Daredevil, Jessica Jones ou Marco Polo ; toutes ces séries ont un point commun : celui d'avoir été conçues pour et par Netflix. Et quelle est la différence entre créer une série qui sera regardée hebdomadairement (avec donc la prise en considération d'une fidélité de l'audience) et une autre qui sera, dans le meilleur des cas, binge-watchée ? La temporalité. L'une devra être un événement pendant deux, trois, quatre, six mois – l'autre créera le buzz pendant quelques jours avant de laisser place à un silence radio jusqu'à la prochaine saison ; l'une aura plus de temps pour poser son intrigue, l'autre devra faire adhérer au maximum le spectateur dès le pilote.

En cela, les séries Netflix ne sont pas des séries comme les autres. Certains disent que des productions comme True Detective ou Fargo se rapportent à des films divisés en une dizaine de parties, mais ce n'est pourtant pas le cas : l'une comme l'autre répondent à une logique isolée dans le temps, et cela les rend d'autant plus marquantes. Il s'agit tout autant de satisfaire le spectateur pendant son rendez-vous hebdomadaire, mais aussi de construire la narration de telle façon pour motiver son retour. Pour Netflix, le deal est tout autre. Et d'une certaine manière, leurs productions sont de véritables films de plus de dix heures, avec toutes les conséquences que cela impose. Du côté des points positifs, la construction d'ensemble comme seule architecture – pourquoi pas, si on les considère comme des films – du côté des points négatifs, l'indigestion ou l'absence de rythme, frustration ultime du sériephile.

Car oui, les séries Netflix sont ennuyantes. Elles oublient leurs origines et par conséquent ce qui faisait le succès du binge-watching. Que l'on aime ou pas cette pratique, elle était due à cette construction de l'intrigue visant à fidéliser le spectateur – s'il revenait, c'est qu'il avait été satisfait. Ici, on passe son temps à attendre, plutôt qu'à apprécier le menu servi par les scénaristes. Il y a du moyen terme, du long terme, mais jamais du court terme. Et la puissance de l'instant n'en est que diminuée. Ce n'est pourtant pas une finalité pour ces productions made in Internet. Hulu diffuse ses épisodes à un rythme télévisuel, tandis qu'Amazon procède d'une façon similaire à Netflix – à la différence que la construction emprunte son découpage au petit écran : la réussite créative de la récente The Man in the High Castle en est la preuve.

Est-ce vraiment un mal ? Malgré leur écriture bien souvent déplorable ou médiocre, les séries Netflix regorgent de qualités, parmi lesquelles leur ambition hors normes et l'accomplissement technique de leur production. Plus encore, elles semblent plaire, et certaines nous font presque oublier leurs lacunes en proposant un divertissement de haut vol. Pourtant, on pourrait en espérer plus. Certains s'amusent encore à comparer le site avec HBO, mais en suivant ce chemin mal indiqué, Netflix est encore très loin derrière la plus grande chaîne câblée américaine en terme de qualité. Ce n'est pas un drame, mais c'est dommage.

1 commentaires:

  1. Je ne suis pas entièrement d'accord avec cette chronique.
    Ayant découvert l'univers des séries avec internet, j'ai "bingewatché" beaucoup plus de séries de types HBO (True Blood, The WIre and Deadwood notamment) que les séries de Netflix.

    Pourquoi ? Parce que les séries de HBO cultive l'art d'épisodes qui culminent, pas tant en cliffhanger, que dans la promesse de ce qui va s'annoncer (ces épisodes réussissent souvent très bien leur conclusion qui arrivent à la fois à fermer les épisodes, mais aussi à prendre la mesure de ce qu'il s'est passé dans l'intrigue).

    D'un autre coté, les séries Netflix que j'ai regardé m'ont amené à prendre un rythme bien plus détendu : le fait de prendre son temps pour développer les intrigues m'a donné le goût de ces épisodes plus denses, et donc plus intenses. Ils me donnent personnellement davantage envie de digérer et savourer ces épisodes plutôt que de les enchainer. Après 3 mois, j'en suis encore, par exemple, à la moitié de Bloodline, que j'adore, mais je distille mon plaisir car j'ai beaucoup de plaisir à retrouver l'univers de cette série, et de voir l'intrigue murir au fur et à mesure.

    De même, la série House of Cards, surtout la première, avait à mon avis l'intérêt de faire des épisodes assez indépendant : chaque épisode ayant son "thème" politique qui était exploré (médias, syndicats, relations publiques, retour à l'université, politique étrangères, etc), et même que Orange is the new black et ses épisodes construit autour d'un personnage à chaque fois.

    Au final, je retrouve plus chez NEtflix ces séries "du samedi après midi" qui, comme les feuilletons que l'on pouvait regarder, sont des aventures indépendantes, pouvant être regardée à leur propre rythme.

    Les séries de HBO sont au contraire bien plus addictive pour moi, car leur constuction est parfaitement rythmée, pour donner envie d'avaler illico un autre épisode construit de la même façon et qui culminera de façon aussi satisfaisante, la prochaine fois, avec l'assurance de voir l'intrigue avancée.

    J'aime les deux formats, mais je ne pense pas que l'on devrait réduire Netflix au bingewatching (je serai d'ailleurs curieux de voir leur statistiques sur le modèle de visionnage de leurs séries.

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