Mon Top 30 des films de 2019

Mon Top 30 des films de 2019

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Les Misérables

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Vrai-faux La Haine 2019, ce film de son époque est aussi un essai éminement philosophique sur un sujet sociétal majeur : le pouvoir d'une image et ses conséquences. Lire plus

The Irishman

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Des gangsters, De Niro, Pesci, Pacino, une durée gargantuesque et un budget encore plus énorme : The Irishman avait des airs de film ultime pour Scorsese - où est-il justement un peu plus que ça ? Lire plus

The Lighthouse

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Tour de force technique avant tout, The Lighthouse avait sû générer de forces attentes : le buzz passé, le résultat vaut-il un peu plus que le tour de passe-passe égocentrique ? Lire Plus

mardi 2 août 2016

Le Bureau des Légendes - Saison 2


SAISON 2 CANAL+
Créée par Éric Rochant
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La première saison du Bureau des Légendes était sortie après Charlie Hebdo – cela peut paraître lointain, car il s’en est passé des choses en France (et ailleurs) depuis les attentats de janvier. On se verrait presque rétrospectivement comme de pauvres innocents naïfs, qui n’avaient pas encore pleinement conscience de l’horreur qui allait suivre, mais aussi de la profonde contemporanéité de la création d’Éric Rochant.  Cette seconde saison, elle arrive après le 13 novembre, après l’Etat d’Urgence, après les Lois Renseignements. La société française a beaucoup changé en un an, et de manière étonnante, Le Bureau des Légendes ne change que très peu. C’est pourtant son sujet, l’espionnage et le terrorisme, mais plutôt que de se piéger dans une reproduction creuse et sensationnaliste de la réalité – comme a pu le faire le cinquième acte d’Homeland – elle a choisi de s’en tenir aux règles qu’elle s’était elle-même établie pour son pilote : rigoureuse, subtile, réfléchie. Et c’est bien pour cela qu’on l’admire.


Éric Rochant est un grand scénariste, la saison 2 du Bureau des Légendes est un monument d’écriture. Chaque détail sert un plan d’ensemble, chaque micro-événement est un fusil de Tchekhov imparable, chose rare à la télévision. Tout semble avoir été conçu au millimètre, réglé comme du papier à lettre, du jeu d’acteur bressonien (cette sobriété découle grandement du cadre principal de la série) aux détours contrôlés du scénario. C’est cette maîtrise qui fascine, car on ne peut ignorer un plan ou une ligne de dialogue : ceux-ci pourraient avoir des répercussions dévastatrices par la suite, qu’il s’agisse d’un combiné de téléphone ou d’une simple photo. La formation cinématographique de Rochant prend ici tout son sens, car il faut jouer avec le spectateur, mais pas lui mentir. Si on donne une réponse, elle doit être logique, donner sens à ce qui l’a précédé – et dans Le Bureau des Légendes, tout est mécanique, et pourtant si brumeux. Chaque bouleversement n’arrive pas par hasard, on l’avait sous les yeux, et pourtant on ne l’a pas vu.
Au centre de tout cela, Mathieu Kassovitz, impeccable et hypnotique, entouré d’acolytes tout aussi irréprochables. Chaque acteur est choisi et dirigé avec soin, s’effaçant derrière le charisme silencieux de leurs personnages – on en oublie ces visages pourtant bien connus, comme Jean-Pierre Darroussin, Pauline Etienne et Léa Drucker, au profit de ces incarnations précises et mesurées, qui se dessinent sans qu’on ne force leurs descriptions.
On pense plus que jamais à The Wire, pour laquelle Rochant n’a jamais contenu son admiration et qu’il ne se prive pas de référencer : de la place des échecs à la rigueur réaliste de chaque situation et contexte, on y retrouve le désir de sonner juste, de ne pas aguicher les extrêmes en cultivant une conscience politique précieuse et indispensable à la cohérence créative de ce large tableau risqué, courageux et ambitieux.


On se plaint souvent du cran de retard en terme de séries du Paysage Audiovisuel Français, et Engrenages fut pendant des années l’étendard de la création sur celui-ci. Après un premier acte de bonne tenue, Le Bureau des Légendes surpasse cette dernière et s’en va désormais flirter avec la crème de la télévision anglophone : forte et intelligente, émouvante et éducative, un brillant jeu d’échecs qui surprend, étouffe et transcende le débat. Un indispensable à la hauteur du chef d’œuvre qu’il est devenu, qui peut non seulement se targuer d’être la fierté du petit écran français, mais aussi tout simplement de pouvoir évoluer au même niveau de réussite que les plus grands piliers du câble américain actuel. A ne rater sous aucun prétexte.

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