Mon Top 30 des films de 2019

Mon Top 30 des films de 2019

Fin d'une année, fin d'une décennie. Retour en images, en textes, en sensations et en émotions sur la cuvée cinéma 2019. D'Hamaguchi à Eggers, en passant par Gray et Llinas. Lire plus

Les Misérables

Les Misérables

Vrai-faux La Haine 2019, ce film de son époque est aussi un essai éminement philosophique sur un sujet sociétal majeur : le pouvoir d'une image et ses conséquences. Lire plus

The Irishman

The Irishman

Des gangsters, De Niro, Pesci, Pacino, une durée gargantuesque et un budget encore plus énorme : The Irishman avait des airs de film ultime pour Scorsese - où est-il justement un peu plus que ça ? Lire plus

The Lighthouse

The Lighthouse

Tour de force technique avant tout, The Lighthouse avait sû générer de forces attentes : le buzz passé, le résultat vaut-il un peu plus que le tour de passe-passe égocentrique ? Lire Plus

mercredi 9 avril 2025

Jeunesse (Les Tourments)

JEUNESSE (LES TOURMENTS)
de Wang Bing (2024, Chine)

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Ce ne sont pas des personnages que l’on retrouve, très loin de l’idée qu’on pourrait se faire du dispositif de Wang Bing sur Jeunesse (il a suivi les jeunes ouvrier·es de ces usines textiles pendant plusieurs années), mais un décor. Un non-décor, s’il fallait être tout à fait honnête, car l’espace de ce deuxième film de cette trilogie documentaire – comme celui du premier – n’a rien d’évidemment cinématographique, rien de spectaculaire. Des petites salles grises exiguës, jonchées de chutes de tissus, et rythmées par le bruit assourdissant – qu’on finit par oublier – des machines à coudre. Wang Bing n’est pas allé filmer l’enfer dystopique post-capitaliste dans ses matérialisations d’Epinal : de grandes usines symétriques de travail à la chaîne fordien. Non, ici, tout est minuscule, un peu minable, quasi incompréhensible – les personnages passent d’une machine à l’autre sans que l’on comprenne la complexité apparente des canevas qu’iels suivent selon un protocole qui semble automatique. C’est là l’une des caractéristiques les plus claires de ce qui serait une « forme Wang Bing » : ne pas saturer le réel de ce qu’il contient déjà d’éminemment monumental, même dans ses sentiers les plus insignifiants. Le monumental vient alors se manifester dans divers ponctuations ; la première étant, et c’est bien là la plus visible, la durée. D’une séquence, d’un film : 4 heures, 8 heures, 2 heures 30. C’est devenu un gag – mais ce n’est pas un effet de cinéma. Les plans visitent, ils accaparent le réel brut, les dialogues jusque dans leurs errements, leurs hésitations. La caméra tremble – on pense parfois qu’elle rate son cadre, alors qu’en réalité tout est cadre, car rien n’est fabriqué.

Intervient – au bout d’un premier mouvement – une torsion que l’on pensait deviner, une variation sur le premier Printemps. Pareil titre méritait tourments. Des séquences vont alors s’accumuler : on les devine filmées à plusieurs époques, captées inopinément lors de ce faramineux travail de captations. D’abord des échanges laissent deviner des rouillures, des cassures dans les rouages de cette répétition. Des groupes se forment, des échanges s’enveniment : certain·es semblent réclamer réparation, justice. Les « patrons » s’opposent souvent, les arguments se répètent, et le groupe se revient bien souvent seul. La mécanique Wang Bing opère alors un tour de Trafalgar, vraie opération radicale de représentation d’un mouvement de révolte proto-syndicale. Les voix se chevauchent, le ton monte, et pourtant la réalité devient vite évidente : toutes ces agitations n’aboutiront à rien. L’ensemble dépasse l’objet, et même si l’un ou l’autre fuira ses méfaits, l’ordre reste le même. Les moutons changeront de bergers, quand le propriétaire n’ira pas couper l’électricité. Cette séquence du film, froide et crépusculaire, d’une mise à mort programmée où on comprend que le patron n’était même pas propriétaire de ses murs est d’une horreur glaçante, tentaculaire. A cette architecture s’ajoute un étage supplémentaire, celui qui rend l’immeuble vertigineux, indéboulonnable. Loin des tumultes, on se retrouve à observer la vie, le monde, comme ces quelques jeunes survivants, pour qui travail est devenu simple synonyme d’élévation sociale – et d’ailleurs la finalité de celle-ci. A partir de là, on pourra argumenter des heures sur cette réalité opaque du capitalisme, et pourtant l’impact sensitif de son action est intraitable. Il liquéfie, il immobilise – et pourtant il n’arrête pas la vie. Plutôt que de faire du misérabilisme une condition sine qua non de la pauvreté, Wang Bing interpelle l’individualité des masses. Au milieu de ces ensembles humains fourmillants – avec lesquels l’Occident a souvent illustré la Chine contemporaine – il va chercher le manifestant et la nature fondamentalement rugueuse et mosaïque de la foule. Certains rient, certains pleurent. Mais toustes essaient toustes essaient de faire de l’argent.

★★★★★

vendredi 4 avril 2025

Tiempo de Revencha (1981)

TIEMPO DE REVENCHA
de Adolfo Aristarain (1981, Argentine)


Parabole politique, censure et résistance symbolique : cette triade magnifique parcours le cinéma latino-américain de la deuxième partie du XXème siècle aussi certainement que la guerre sale a interféré jusqu’aux évocations artistiques allégoriques de ce qui pouvait se passer loin des grands récits officiels. Pour qui connaitrait les dates de la dictature de Videla et des autres, y replacerait Tiempo de Revencha et l’engagement politique d’un certain Adolfo Aristarain, cela ne fait aucun doute : tout ici n’est qu’une évocation sophistiquée de la répression alors bien réelle qui avait lieu en Argentine – exactions, torture, détention, surveillance et contrôle. Les mécanismes à l’œuvre chez Aristarain sont rigoureusement esthétiques – et même absolument charnels, dans sa définition la plus stricte : la chaire. Le corps est maltraité, les sens sont à l’usage, travaillés par des agents d’un minimalisme qui traduit plus grande terreur.

Argumentons des heures sur tous ces symboles, mais cela ne situerait Tiempo de Revencha que comme un ixième document historique à penser comme un témoignage poétique muselé. 2025, qu’a-t-on à apprendre des mécaniques du pouvoir argentin en 1980 ? L’idée impétueuse d’Aristarain qui retiendra encore plus notre attention, c’est celle du déplacement. Prenons les choses aussi strictement qu’elles sont déployées dans son film : Tiempo de Revencha n’est pas le récit d’un bras de fer entre un résistant politique et un Etat, mais d’un travailleur syndiqué et de son entreprise capitaliste. A partir de là, tout est possible, et tout cela devient même savamment ludique : l’allégorie devient plurielle, jusqu’à se dessiner elle-même comme un objet indépendant. Peut-être est-ce l’argument le plus grinçant de Tiempo de Revencha, que nous habitions aujourd’hui sa dystopie. Faire de l’Etat une entreprise qui reproduirait les appareils de contrôle, de violence (physique et symbolique), les structures de domination et de coercition en les appliquant aux travailleur·euses plutôt qu’aux citoyen·nes. Nul besoin d’aller enquêter jusqu’aux excès de Milei, dont la tangente quasi-caricaturale dépasse de loin la relative pudeur de l’analyse politique déployée par le film (le capitalisme a finalement dépassé la fiction). A l’heure où nous sommes tous·tes les employé·es de la start-up France, où l’économie dérégulée est devenue une guerre sale à son tour, où nos citoyen·nes les plus précaires sont mis·es au pas du travail forcé pour remplir leur frigo, où on vous met sous surveillance informatique pour vous donner un droit au chômage pour lequel vous aviez cotisé, où les allocations sont devenues des salaires. L’Entreprise kafkaïenne d’Aristarain a dépassé la parabole : l’Etat est finalement devenu Entreprise. Et on s’est tous·tes coupé la langue.

dimanche 31 mars 2024

Tango (1998)

TANGO
de Carlos Saura (1998)


La ressortie récente de Cria Cuervos (accélérée par la mort de son auteur il y a un an) ne saurait cacher la vérité aux plus assidus spectateurs de Carlos Saura : si beaucoup de ses œuvres auront eu pour terrain commun l’analyse aussi subtile (fruit de leur censure) que baroque (on ne pourra jamais dire de Saura qu’il aimait les plans fixes silencieux monochromes) de l’Espagne franquiste, sa vraie obsession aura sans doute été la danse. En témoigne le tournant progressif de sa carrière, au milieu des années 80, d’un certain cinéma social (plus documentaire que naturaliste, certes) vers une succession de variations plus ou moins célébrées autour d’arts concourants : heptalogie sur le flamenco (Bodas de sangre, Carmen, El amor brujo, Flamenco, Salomé et Flamenco Flamenco), apartés sur d’autres danses (Jota de Saura, Tango), genres musicaux (Fados, Io Don Giovanni), expérimentations sur l’héritage artistique (Antonieta, Buñuel et la Table du Roi Salomon, Goya en Burdeos), et autres œuvres dont on pourrait lister la fourmillante multiplicité et leurs parallèles chaotiques.

Ici, l’enchevêtrement de deux échelles créatives, de deux espaces diégétiques : la mise en scène du chorégraphe, mis en image par le cinéaste. Chaque plan est alors traversé par deux lectures ; d’abord celle du corps, puis celle de la lumière. C’est dans cette constante dichotomie que Saura déploie la puissante mise en abyme de sa propre pratique, prenant la danse comme un objet à double usage. D’abord un évident tableau de fascination (il serait alors un chorégraphe-caméraman, directeur d’un découpage en lumière des corps et d’un agencement en espace de la caméra – un dispositif bien différent de celui de la danse non-filmée), mais aussi un processus de représentation (de par sa nature moins naturaliste que le cinéma, elle lui permet de figurer par l’extrême les problématiques qui traversent sa propre expérience de cinéaste). En lame de fond dans Tango, une question d’autorité, de censuré, de représentativité. L’art face à l’histoire, à la mémoire.

Et c’est bien en cela que cet exil éphémère de Carlos Saura en Argentine et dans sa culture dansée n’est qu’un leurre matériel : si l’objet et son temps sont tout à fait latino-américains, la colonne vertébrale de Tango est bel et bien espagnole. Sous couvert de traiter de la Guerra sucia et du tango, Saura prend la tangente d’un épicentre national : le franquisme, l’Espagne, le Pacto del Olvido. Mettre un pays face à sa propre histoire (récente), via ses balbutiements artistiques dans une démocratie nouvelle qui ne s’est pas encore totalement émancipé de ses grippes intestines. Tango, pris sous cet angle, prend une dimension plus glaçante, au metatexte saisissant : comme si sa propre autocensure était si terrassante que même pour en parler, un déracinement était nécessaire, évident, indépassable. Un film sur les problèmes de représentation du tango argentin pourrait-il alors être une drôle d’allégorie de l’Espagne franquiste ? C’est en tissant ces parallèles trop tordus qu’on fait honneur à la propose vision de l’Art que défend Saura : tout n’est que distorsion, tout parle d’autre chose. Et la censure, qu’on impose ou qu’on s’impose, véritable paradigme de toute création, n’est au final que le revers antagonique de la mémoire.

mardi 14 novembre 2023

Le Garçon et le héron

 

LE GARÇON ET LE HÉRON (2023)
DE HAYAO MIYAZAKI

lundi 16 octobre 2023

Jeunesse (Le Printemps)

 

JEUNESSE (LE PRINTEMPS) (2023)
DE WANG BING

dimanche 1 octobre 2023

Michel-Ange



MICHEL-ANGE (2020)
RÉALISÉ PAR ANDREÏ KONTCHALOVSKY

vendredi 22 septembre 2023

Eva en août


EVA EN AOÛT (2020)
RÉALISÉ PAR JONAS TRUEBA

lundi 18 septembre 2023

Voyages en Italie


VOYAGES EN ITALIE (2023)
DE SOPHIE LETOURNEUR